Je suis né au Burkina Faso, à Ouagadougou la capitale. Je suis arrivé en France à l’âge de trois ans, dans une famille d’accueil à Montpellier où mes parents avaient choisi de me placer. Mon père était directeur d’école, il était en relation avec une institutrice en France dans le cadre d’une sorte de parrainage et de leur échange est née l’idée de m’offrir une bonne scolarité, pour que je revienne ensuite au pays avec un bon cursus et des diplômes. Cette institutrice m’a donc accueilli. Elle et son mari sont devenus mes tuteurs. Et finalement, je suis devenu rugbyman professionnel !

Je le disais déjà ici il y a quelques semaines, je me sens 100% Montpelliérain. J’ai grandi à Montpellier, j’y ai mes repères et mes souvenirs alors que je n’en ai aucun de l’époque où j’ai vécu avec mes parents à Ouagadougou. Pourtant ces racines burkinabées sont aussi les miennes et je ne veux surtout pas les oublier.

Je suis allé trois fois en voyage dans mon pays quand j’étais plus jeune. Je m’y suis senti d’abord comme un touriste. Puis j’ai découvert ma famille, joué avec mon frère et ma sœur, qui sont plus jeunes, comme n’importe qui jouerait avec ses frères et sœurs. J’avoue avoir de plus en plus envie de les voir, ainsi que mes parents que je connais si peu. Le Burkina Faso est un pays pauvre mais la vie y est simple et j’ai aimé y vivre, partager la culture, m’imprégner des paysages. J’ai tout simplement été émerveillé par mon pays.

Je dis donc aussi « mon pays » pour le Burkina Faso, même si je me sens Français avant tout. Ma routine est celle d’un Français, témoin de la diversité de notre pays du fait de ma couleur de peau, noire. Comme beaucoup d’autres finalement.

Mais je n’ai jamais eu à souffrir d’insultes racistes sur un terrain de rugby. Plus jeune, je ne me suis jamais identifié à un joueur parce que nous avions la même couleur de peau. En revanche, me comparer à un autre joueur black, les gens l’ont souvent fait pour moi. Quand j’étais petit, je jouais arrière, inévitablement, on me comparait à Serge Blanco. Quand ensuite, je suis passé troisième ligne, la comparaison avec Serge Betsen n’a pas tardé. Bien évidemment, j’ai fait de lui un de mes modèles, mais c’était pour son jeu, pour ce qu’il était sur un terrain de rugby et ce que je percevais de lui en tant qu’homme bien plus que pour notre couleur de peau commune.

C’est vrai qu’il y a encore peu de joueurs « de couleur » dans le rugby, comparé au football notamment. Mais l’accès à notre sport est plus compliqué. On ne joue pas au rugby dans la rue, comme on le fait au foot. J’ai pourtant l’impression que le rugby pénètre des populations qu’il ne touchait pas avant, dans certains quartiers, dans les cités. Et si, d’une certaine manière, la présence de joueurs comme moi, noir de peau, peut inciter des jeunes issus eux aussi de notre diversité à venir goûter à notre sport, j’en serai évidemment très fier. Comme je retire une grande fierté de me savoir de plus en plus suivi au Burkina. C’est très encourageant de savoir qu’il y a du monde là-bas qui garde un œil sur moi. Je reçois de plus en plus de messages, d’ailleurs. C’est un autre lien qui se crée avec une partie de mes racines.

De mon côté, je parraine plusieurs associations qui promeuvent le rugby au Burkina Faso. Je regarde de loin, mais je regarde quand même les résultats des équipes nationales africaines, celle du Kenya à 7 surtout qui joue un très beau rugby. Et je me dis que peut-être, une fois ma carrière terminée, j’irai au Burkina ou ailleurs en Afrique essayer d’aider au développement du rugby.

Fulgence Ouedraogo, troisième ligne du quinze de France et de Montpellier