La déception est à la mesure de l’attente et des espoirs, immense. Depuis plusieurs jours en effet, la fièvre était montée et était allée crescendo dans l’optique du match Burkina # Côte d’Ivoire comptant pour la troisième journée des éliminatoires combinées de la CAN et du Mondial 2010. Le drapeau national et autres fanions qui se sont arrachés comme de petits pains pavaient les rues de la capitale et des autres villes du pays ou flottaient fièrement au-dessus des édifices publics et privés, recouvraient les véhicules, et les billets d’entrée au stade du 4-Août, introuvables dès leur mise en vente, se négociaient au marché noir cinq à 10 fois leur valeur réelle.

Rarement, rencontre de football aura suscité autant de ferveur populaire, quasi religieuse. Il faut dire que, pour beaucoup de Burkinabè, à défaut de faire une bouchée du kédjénou d’Eléphant qu’on leur proposait au menu, les Etalons gagneraient au moins par la plus petite des marges. Les visiteurs avaient certes le talent et de grosses individualités avec eux sans forcément "former une équipe", les hôtes quant à eux présentaient un meilleur collectif sans des mégastars si ce n’est Moumouni Dagano et Jonathan Pitroipa, le feu follet d’Hambourg. Ils avaient surtout un fighting sprit qui n’était pas un vain mot dans une confrontation comme celle-là.

Déjà en temps normal, une rencontre entre ces "cousins même père même mère" qui vivent de part et d’autre de la Léraba n’a jamais été banale, qui plus dans des circonstances politico-diplomatiques où amour et désamour, divorces et retrouvailles, dépit et allégresse s’entremêlent et s’entrechoquent depuis de nombreuses années.

On sait ce qu’il est advenu samedi des ambitions burkinabè de participer pour la première fois de leur histoire à une coupe du monde de football. En pliant l’échine devant les Eléphants dans cette partie au sommet entre les deux leaders du groupe E, les Etalons renoncent en effet à un rêve mondialiste qu’ils caressaient secrètement pendant que leur vis-à-vis prennent une option décisive sinon définitive pour l’aventure sud-africaine de juin 2010. Il faut leur souhaiter bon vent. Et espérer, maintenant que le rêve s’est envolé, que les poulains de Paolo Duarte s’attellent désormais à relever le défi restant, la participation à la prochaine CAN, qui est presque acquise, sauf tremblement de terre. Il leur reste encore trois matches dont deux à l’extérieur (à Abidjan et à Conakry), et il faut rester concentré pour ne pas avoir de mauvaise surprise malgré les atouts qu’on a.

Samedi dernier dans la cuvette du 4-Août, les garçons de Valid Halilodzic, qui effectuaient le déplacement de Ouagadougou la peur au ventre, auront en fait gagné sans convaincre et sans montrer grand-chose dans une partie qui se sera jouée sur des détails, mais c’est peut-être cela aussi qu’on appelle expérience. Momo et ses camarades auront donc perdu sans démériter. C’est rageant de perdre dans de telles conditions et ils doivent nourrir de gros regrets d’être passés à côté d’un sujet qui était pourtant à leur portée et pour lequel ils méritaient au moins le match nul. Il n’empêche, ils méritent notre respect et nos encouragements.

Car ils ont quand même montré de belles choses en jouant décomplexé face à des adversaires réputés plus forts qu’eux, en tout cas sur le papier. A l’évidence, le déclic psychologique qui s’est produit depuis quelques années, allié au travail qui est fait, notamment à la base, a commencé à produire des résultats. Elle semble donc révolue, l’époque où, avec cette suffisance bien ivoirienne, les Eléphants pensaient accomplir juste une formalité sportive quand ils devaient croiser les crampons avec les Etalons.

En leur tenant la dragée haute et nonobstant la défaite qui nous déçoit sans nous attrister, c’est quelque part une petite leçon d’humilité que nous administrons aux Drogba, Baky Koné, Romaric, Yaya, Kollo Touré et à toutes ces autres étoiles ivoiriennes qui brillent au firmament du football africain.

La Rédaction

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