S’il y a un nom qui a bien marqué le football burkinabè parmi tant d’autres ces 20 dernières années, c’est celui du célèbre gardien de buts des Etalons à la CAN 98. Ibrahim Diarra, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est maintenant entraîneur de football depuis une dizaine d’années. Capitaine de l’équipe en 1998, il se pose en connaisseur du Faso foot. Il parle dans cette interview qu’il nous a accordée le samedi 10 mars, de la débâcle des Etalons à Malabo, de la gestion du football national et des défis de la nouvelle fédération.
« Le Pays » : Vous êtes un ancien international, après une brillante carrière de gardien de buts à l’équipe nationale du Burkina Faso, dites-nous que devient Ibrahim Diarra ?
IBD : Je suis là, je suis rentré au Burkina depuis bientôt dix ans, j’ai la formation d’entraîneur de gardien de buts et d’entraîneur d’une équipe complète de football. J’ai commencé à exercer depuis 2003 à Bobo où j’étais entraîneur de Jeunesse club de Bobo (JCB) que j’ai amené en première division, en 2004-2005 ; j’étais à l’Etoile filante de Ouagadougou (EFO) jusqu’en 2009. Maintenant, j’ai un centre de formation que j’encadre.
On ne vous voit plus beaucoup sur la scène footballistique nationale, qu’est ce qui se passe ?
Oui, quand on travaille dans un club comme l’EFO, on est sous le feu des projecteurs. J’y étais, on me voyait plus, maintenant nous sommes un peu à l’ombre ; nous comptons revenir un peu à la lumière ; mais pour le moment nous sommes dans la formation.
En tant qu’ancienne gloire, comment vous jugez le niveau d’ensemble du football burkinabè ?
Vous avez dit ancienne gloire. Je crois que c’est bien de tendre souvent le micro aux anciennes gloires pour qu’elles donnent leurs points de vue. Le constat est là, le niveau de notre football a beaucoup baissé. Les gens ne vont plus au stade, c’est un casse-tête pour toutes les fédérations qui se sont succédé. Jusqu’à présent, c’est toujours la même chose. Je pense que la solution n’est pas une solution miracle que les anciennes gloires ou les anciens joueurs peuvent donner ou que les dirigeants peuvent trouver. Les gens doivent s’asseoir ensemble et voir pourquoi le niveau de notre football est tombé jusqu’à ce point. On ne peut pas, dans une interview de ce genre, dire, de but en blanc, voici le problème. Les responsabilités sont partagées. Le problème se trouve aussi bien au niveau des dirigeants, des supporters qu’au niveau des joueurs. C’est un grand problème qui est partout et qu’on ne peut pas situer à un seul niveau.
Depuis 98, le Burkina n’a plus fait de bons résultats en phase finale de la coupe d’Afrique, est-ce que cela est lié au niveau de notre championnat ou bien le problème est ailleurs ?
C’est ce que je viens de dire. Le problème est à tous les niveaux. Le football est une continuité. En 1998, si vous avez bien suivi, l’équipe nationale a joué au-dessus de son niveau. Le Burkina ne faisait pas partie des équipes favorites, mais il est allé jusqu’en demi-finale et les gens ont cru en ce temps-là que c’était notre niveau réel. Donc, il n’y a pas eu de travail en bas, les gens ont laissé faire et les dirigeants ont pensé que nous avions le niveau. Si bien que ce que l’équipe nationale avait acquis n’a pas pu être préservé. C’est cela qui a amené le déclin. Personnellement, je trouve que le déclin a commencé en 1998, parce que d’abord, on n’était pas au haut du pavé ; ensuite, je crois que les acquis de 98, on devrait les préserver, ce qui n’a pas été fait. Si je veux citer des cas, je dirai qu’en 98, l’équipe nationale était pleine de jeunes et en 2000 déjà, on l’a cassée sous prétexte que les joueurs sont vieux et tous ceux qui avaient fait 1998 sont partis. Bien que ce soient ces mêmes joueurs qui avaient fait les éliminatoires et qualifié l’équipe pour 2000, les dirigeants ont estimé que l’équipe n’était pas bien et on a fait partir les joueurs. Ensuite, en 2002, quand la qualification a été compliquée, l’équipe nationale a été coachée par un national [NDLR : Sidiki Diarra] qui l’a qualifiée pour le Mali. Les dirigeants ont encore estimé que le niveau du football que produisait cette équipe n’était pas le sien et qu’il fallait faire du « football champagne ». Chose que Sidiki Diarra ne faisait pas du point de vue des dirigeants. Ainsi, il [NDLR : Sidiki Diarra] a été contraint à la démission. On a encore cassé l’équipe et amené une équipe cadette. Je veux dire que les gens s’amusent souvent avec le football national. Mais personne n’a parlé à l’époque. Les gens nous ont forcés à arrêter, les gens ont forcé des joueurs à arrêter, on ne peut pas se maintenir dans ces conditions. Le niveau, en perpétuel changement, ne peut pas se maintenir dans ces conditions. Nous, nous avons joué avec des gens en 1996 en Afrique du Sud, qui continuent de jouer. Mais ici, ils ont tout fait pour casser des équipes, ce n’est pas la nôtre seulement [NDLR : l’équipe de 1998], il y a eu beaucoup d’équipes qui ont été cassées. Ce sont ces raisons, entre autres, qui empêchent l’évolution du football burkinabè. Je ne dis pas que les joueurs sont exemptés de la débâcle actuelle de notre football ; je veux dire que ce sont des actes que les dirigeants ont posés au vu et au su de tout le monde. Donc, il y a eu une très belle équipe de 98 qui était là, qu’on a cassée, émiettée. Maintenant, à chaque fois que les cadets ou les juniors font une bonne prestation, on dit de laisser les seniors et de prendre les juniors, alors que, en football, c’est la performance qui compte. Il n’y a pas de sentiment, il n’y a pas à dire qu’il faut laisser la place aux jeunes. Si les jeunes sont forts, ils vont venir prendre leurs places. C’est comme cela. Si un jeune est en concurrence directe avec un ancien, si le jeune est plus fort, il va prendre sa place. Dans le football aussi, ce n’est pas en sénior que l’on prépare l’avenir. On prépare l’avenir dans les petites catégories. En senior, c’est la performance que l’on recherche. Donc, quand on va à une Coupe d’Afrique des nations, on ne peut pas dire qu’il faut aller avec des jeunes, ils vont apprendre. Non ! On va à une CAN pour faire une bonne prestation. On ne part pas pour y préparer l’avenir. Il y a des moments où cela a été fait. Il y a eu la période du « football champagne » où on a amené une équipe cadette à la CAN. Chose qu’on n’a jamais vue au monde, sauf au Burkina Faso. C’est-à-dire qu’on n’a même pas une ligne directrice avec un objectif précis qui donne l’impression qu’on veut que notre football arrive là. Chacun vient tâtonner dans les instances dirigeantes. Chaque fédération vient avec un objectif différent. Alors que le foot est une continuité comme je l’ai dit. Chaque fédération qui vient doit continuer dans la formation….
Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il est mieux d’amener des locaux lors des grandes compétitions plutôt que de faire confiance aux joueurs expatriés en l’occurrence les professionnels ?
Je dis toujours qu’en football, quand on demande la performance, on cherche des gens qui peuvent donner la performance. Maintenant, que le joueur soit local ou étranger, cela n’a pas d’importance. L’important, c’est que le joueur soit compétitif ! Pourquoi les gens disent d’amener des joueurs locaux ? Parce qu’à un moment donné, Saboteur [NDLR : Drissa Malo Traoré] et Diarra Sidiki avaient fait confiance à beaucoup de joueurs locaux et cela avait donné des résultats satisfaisants. Voilà pourquoi les gens demandent qu’on amène des joueurs locaux. Mais les professionnels aussi ont montré ce dont ils étaient capables. Maintenant, le problème c’est qu’on amène un entraîneur qui ne regarde jamais le championnat national. Il est tout à fait normal qu’on ne compte pas de local dans l’équipe nationale, puisque l’entraîneur ne suit pas le championnat. Quand l’entraîneur est toujours en Europe, c’est normal qu’il amène des joueurs expatriés. Maintenant, ceux qui disent d’amener des joueurs locaux doivent savoir qu’il faut un entraîneur qui suit vraiment le championnat local. Quand on regarde l’ossature de l’équipe du Burkina, ils sont tous venus du championnat local. A part Habib Bamogo, Dagano, Diakité et autres, tous ont joué ici dans le championnat burkinabè. Mais il faut qu’on les (joueurs locaux) suive. Même tous les joueurs de l’équipe nationale cadette sont dans le championnat local. Donc, si dans un an, deux ans, on dit qu’il n’y a pas de joueurs locaux à l’équipe nationale, ce sera le suivi qui aura manqué.
Pour la CAN 2012 en Guinée Equatoriale, comment avez-vous vécu la débâcle des Etalons ?
Je vais vous dire quelque chose qui va vous étonner. Tous les grands connaisseurs du football savaient que le Burkina n’avait pas une équipe compétitive. Les gens se sont flattés, les gens se sont chatouillés, les gens se sont caressés dans le sens de leurs poils mais moi, je dis que les grands connaisseurs savaient qu’on n’avait pas une équipe compétitive.
Vous êtes l’un des rares à dire cela…
Non ! Puisque vous ne m’avez pas demandé avant. Si vous m’aviez demandé avant, nous allions vous le dire. On avait des joueurs, je ne nie pas cela. Mais on n’avait pas d’équipe, c’est différent. Par exemple, la Zambie avait une équipe mais pas de joueurs individuellement. Les joueurs du Burkina, pris individuellement, étaient très bons mais on n’avait pas une bonne équipe. Et, depuis au moins 5 à 6 ans, c’est pareil. Chaque fois, on a de grands joueurs, mais on n’a pas d’équipe. Moi, je savais que ce serait difficile même si les gens disaient qu’on allait remporter la coupe, ou jouer la finale avec la Côte d’Ivoire. Non ! Regardez, la Côte d’Ivoire, par exemple, avait de bons joueurs plus que la Zambie, mais la Zambie avait une bonne équipe par rapport à la Côte d’Ivoire. Donc moi, je sais qu’on ne pouvait pas aller loin dans cette CAN. Et si on continue sur cette même lancée, la qualification à la CAN 2013 est problématique.
C’est l’encadrement technique qui a bâti l’équipe. Et quand on vous écoute, vous dites qu’il y a de bons joueurs mais pas d’équipe. Peut-on dire que l’encadrement technique a failli ?
Tout à fait !
Comment ?
J’ai un constat que je fais. L’entraîneur est venu, il avait tous les atouts de son côté, il avait une équipe qui était unie depuis longtemps. C’est le seul entraîneur qui a eu 4 ans de travail et imaginez-vous quand il est venu qualifier l’équipe, les gens étaient contents, on l’a porté partout. Mais à la CAN 2010, l’équipe ne pouvait même pas faire 3 à 4 passes. Alors que les joueurs étaient les mêmes qui avaient joué les éliminatoires. Ce sont les mêmes joueurs encore qui sont allés en Guinée Equatoriale en 2012. Les gens disent que nous avons joué, moi je pense le contraire. Le fait qu’il ait fait 4 ans avec l’équipe, on pouvait faire mieux. Donc l’encadrement n’a pas été à la hauteur. Et ça c’est depuis longtemps. Les connaisseurs savaient que notre équipe nationale ne pouvait pas jouer dans les grands rendez-vous. Les éliminatoires sont une chose et la compétition en est une autre. Les gens ont confondu les éliminatoires où entre 2 matchs il y a 1 mois, 2 mois, avec la phase finale. Quand il n’y a pas d’équipe, on ne peut pas aller en compétition.
Est-ce qu’on peut dire que l’équipe nationale avait atteint un niveau tel que l’encadrement technique ne pouvait plus la coacher ?
Non ! Je ne pense pas. Une équipe joue à l’image de son entraîneur. Les joueurs au Burkina ont quel niveau ? Et que dira-t-on des entraîneurs du FC Barcelone ou du Real de Madrid qui ont des joueurs de rang mondial mais qui arrivent à les coacher et à les mettre dans un système bien défini ? Donc si l’entraîneur n’est pas rigoureux, s’il ne maîtrise pas son équipe, c’est une défaillance de sa part. Aucune équipe ne peu être au-dessus de son entraîneur. L’équipe doit jouer à l’image de son entraîneur et ce dernier doit maîtriser tout ça. S’il ne peut pas le faire, c’est qu’il n’a pas sa raison d’être là où il est.
A vous suivre, vous êtes plutôt d’accord avec le fait qu’on mette fin au contrat de Paulo Duarte
Sur le départ de l’entraîneur, c’est rare que je critique l’entraîneur parce que moi-même j’en suis un. Mais vu ce qu’il disait, par exemple, pour le cas des gardiens où j’étais concerné, je n’étais pas d’accord. Quand il disait qu’il avait besoin de gardiens et qu’on lui disait qu’il y avait un gardien ici ou là, il répondait que ce gardien ne faisait pas partie de ses plans. Je n’étais pas d’accord. Il n’y avait pas beaucoup de concurrence. Vous parlez de locaux, il n’y avait pas de concurrence si bien que chaque joueur qui arrivait se disait qu’il allait jouer. Quand il n’y a pas de concurrence, il n’y a pas de performance. Donc moi, je l’ai accusé parce que lorsqu’un entraîneur dit, par exemple, qu’il n’y a pas de gardien au Burkina, alors que le Burkina est l’un des pays qui ont les meilleurs gardiens de la sous-région ! La Côte d’Ivoire n’a pas autant de gardiens que le Burkina encore moins le Mali, le Togo, le Bénin et Ghana. Un entraîneur ne peut pas venir effacer cela du revers de la main, et dire qu’il n’y a pas de gardiens. Imaginez-vous qu’il y a des gardiens qui quittent Bobo, qui ne jouent même pas dans un club, et qui viennent prendre leur passeport pour aller jouer des matchs amicaux en France au vu et au su de tout le monde. Personne ne parle. Et des gardiens des cadets qui vont en coupe d’Afrique s’asseoir sur le banc de touche sans aucun match dans les jambes. Un gardien de buts, Diakité Daouda, qui rentre dans des matchs et qui ne peut même pas dégager un ballon parce qu’il a mal au genou, tout ça parce qu’il n’y a pas de concurrence. Ce n’est donc pas la faute aux joueurs, dis-je. Diakité est un bon entraîneur que moi-même j’ai entraîné au Kada-school. Je l’ai eu à la CAN 2003 quand j’étais entraîneur adjoint. C’est un bon gardien, mais il ne peut pas être performant s’il n’y a pas d’émulation et de concurrence. Et voilà là où j’ai accusé l’entraîneur.
Aujourd’hui que peuvent faire les anciens joueurs, les anciennes gloires comme vous, Sidi Napon, Brahma Zongo, et bien avant vous, Amadou le Rouquin, Sap olympique, etc., pour le football national ?
Bien ! Nous avons une association des anciens joueurs AAIF-BF [NDLR : Association des anciens internationaux de football du Burkina]. Nous nous sommes réunis pour voir ce que nous pouvons faire pour le football national. Nous avons appris, maintenant nous devons restituer. Il est de notre devoir de restituer le football comme Sap l’a dit. Il y a des anciens qui ont pris le chemin de la formation, d’autres ont pris d’autres chemins comme Kassoum Ouédraogo. Il y a d’autres encore qui sont dans l’administratif comme Amadou le Rouquin, Seydou Traoré, vice-président de l’ASFA-Yennenga. Donc, les anciens peuvent apporter beaucoup. Quant à moi je suis dans la formation, précisément dans l’entraînement des gardiens. Je prends un exemple : quand Duarte est venu, il a amené un entraîneur de gardien. Moi, j’ai vu cet entraîneur, il est excellent. Il s’appelle Valente. Mais il entraînait les cadets, les juniors, les seniors ; il entrainait les locaux. Il faisait un grand écart entre les différentes sélections pour pouvoir satisfaire les uns et les autres. Pendant ce temps, il y a Yacouba qui est un ancien gardien, Laurent Ouédraogo, Traoré Ibrahim dit Baya et moi-même qui sommes des anciens gardiens et qui étions assis tandis que lui seul il entraînait les 4 catégories. Quand l’équipe nationale est en France, il est là-bas. Alors que nous tous, nous pouvions apporter quelque chose. C’est un exemple parmi tant d’autres. Pour les gardiens, nous sommes là, que faisons-nous ? Baya entraîne à Kada-School, il pouvait apporter grand-chose, moi je pouvais en faire autant, surtout que nous avons fait nos preuves. Nous ne demandons pas l’aumône, nous disons seulement de nous donner des opportunités pour qu’on travaille. Il est venu, il est reparti. Il touchait combien comme salaire ? Il se pourrait que son salaire suffise à nous payer tous les 4. Je ne suis pas contre les expatriés. Moi-même, si on m’appelle ailleurs, je vais partir, mais, je veux dire que parfois, nous faisons du gâchis. Nous sommes des laissés-pour-compte, nos performances et nos capacités ne sont pas exploitées. Nous ne demandons pas de nous donner 5 millions, donnez-nous du travail et le travail, il y en a. S’il n’y en avait pas, nous n’allions pas parler. Comme il y en a et nous sommes formés pour ça, donnez-nous les possibilités de travailler et nous allons aider nos jeunes.
Comment voyez-vous le futur encadreur de la sélection nationale ?
Je crois qu’il doit savoir d’abord qui il doit choisir pour jouer à l’équipe nationale. Duarte a dit que lui, il n’avait pas les mains libres, les joueurs ne s’entendaient pas…. Donc, il faut que ce soit quelqu’un de rassembleur et de très rigoureux.
Un Blanc ? Un national ? Sidi Napon ? Saboteur ?...
Peu importe. Il n’y a aucune différence entre le Blanc et le Noir. Le problème c’est là ! Imaginez Duarte pendant la CAN. Moi, je connais Barro entraîneur adjoint de l’équipe nationale, c’est un grand entraîneur. Mais Moctar Barro était le 5e entraîneur pendant la CAN. Quand ça n’allait pas (moi je voyais les images) Duarte appelait les adjoints blancs qui étaient à côté de lui, alors que Moctar pouvait bien parler. Il peut même parler Dioula et mooré. Ce sont de petites choses qu’un entraîneur adjoint peut apporter à une équipe. Mais Moctar Barro est là, Duarte est parti à la CAN avec 4 entraîneurs adjoints blancs. Tout ça c’est normal ? Quand la fédération met Moctar Barro à cette place- là, le joueur aussi n’est pas bête. Il regarde, il voit que la personne qui lui parle n’a pas de poids et le joueur ne peut pas le respecter. Mais si on vient et on dit que c’est Sidi Napon qui est entraîneur, c’est un professionnel et il sait comment travailler, même au Burkina, il y a des entraîneurs qui peuvent très bien encadrer l’équipe nationale. Peu importe, moi je veux un entraîneur qui mettra beaucoup de concurrence dans l’équipe pour la rendre performante. C’est un b.a.-ba. pour un entraîneur.
Des rumeurs courent sur le retour de Troussier
Moi je connais l’homme, je connais sa rigueur parce qu’il m’a entraîné, on a joué la CAN 98 ensemble et il m’a entraîné au Maroc. Mais je ne peux pas dire que c’est l’homme de la situation, parce que les situations ne sont pas les mêmes. En 98, il y avait beaucoup de joueurs locaux. Maintenant, nous avons beaucoup de joueurs qui sont dans les championnats européens. Or, en 98, c’était en majorité des joueurs locaux. Ce n’est plus la même approche, donc on ne peut pas dire que c’est Troussier qui est l’homme de la situation. On veut un homme de la situation.
Comment voyez-vous nos chances en 2013 ?
C’est ce que je dis. Si on reste dans le tâtonnement, dans le copinage, dans le fameux mot consensus où personne ne veut frustrer personne, personne ne veut dire non à personne, personne ne veut élever la voix contre personne, on va droit dans le mur. Quand on dit football, ce sont les joueurs, les dirigeants et les supporters. Aujourd’hui, si on dit que le championnat est gratuit, les terrains ne seront pas pleins. Pourquoi ? Ils doivent en chercher les raisons.
Que voulez-vous dire au monde du football burkinabè ?
Je crois qu’on est à la recherche d’un président de la fédération. Sita est le seul candidat qui est en phase de le remporter. [NDLR : l’interview a été réalisée le samedi 10 mars à 10 heures au moment où l’AG élective de la fédération se tenait]. Je crois qu’on a confiance et je crois que les leçons seront tirées de tout ce qui s’est passé avant. Comme il est l’unique candidat et que nous sommes, pour le développement de notre football, on est obligé de le soutenir parce que ce n’est pas facile. Donc, chacun va donner la main à l’autre pour sortir notre football de cette léthargie. Il ne faudrait pas qu’on pense que c’est l’équipe nationale seulement qui représente notre football. J’ai écouté son programme. S’il arrive à le réaliser ce sera bien. Maintenant, il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte. Moi, je demande au monde du football de le soutenir. Mais, il faut aussi que quand il y a des vérités, qu’on les dise sans que quelqu’un ne se sente frustré. Le problème ici, c’est que lorsque tu dis des vérités, on pense que tu es un ennemi. Or, on peut être des adversaires sans être des ennemis. Je reviens sur l’équipe de 1998 et celle de 2002. Les équipes étaient bien. Elles ont cependant été cassées et personne n’a parlé. Si les gens parlaient, on ne serait pas là.
Propos recueillis par Wilfried BAKOUAN
« Le Pays » : Vous êtes un ancien international, après une brillante carrière de gardien de buts à l’équipe nationale du Burkina Faso, dites-nous que devient Ibrahim Diarra ?
IBD : Je suis là, je suis rentré au Burkina depuis bientôt dix ans, j’ai la formation d’entraîneur de gardien de buts et d’entraîneur d’une équipe complète de football. J’ai commencé à exercer depuis 2003 à Bobo où j’étais entraîneur de Jeunesse club de Bobo (JCB) que j’ai amené en première division, en 2004-2005 ; j’étais à l’Etoile filante de Ouagadougou (EFO) jusqu’en 2009. Maintenant, j’ai un centre de formation que j’encadre.
On ne vous voit plus beaucoup sur la scène footballistique nationale, qu’est ce qui se passe ?
Oui, quand on travaille dans un club comme l’EFO, on est sous le feu des projecteurs. J’y étais, on me voyait plus, maintenant nous sommes un peu à l’ombre ; nous comptons revenir un peu à la lumière ; mais pour le moment nous sommes dans la formation.
En tant qu’ancienne gloire, comment vous jugez le niveau d’ensemble du football burkinabè ?
Vous avez dit ancienne gloire. Je crois que c’est bien de tendre souvent le micro aux anciennes gloires pour qu’elles donnent leurs points de vue. Le constat est là, le niveau de notre football a beaucoup baissé. Les gens ne vont plus au stade, c’est un casse-tête pour toutes les fédérations qui se sont succédé. Jusqu’à présent, c’est toujours la même chose. Je pense que la solution n’est pas une solution miracle que les anciennes gloires ou les anciens joueurs peuvent donner ou que les dirigeants peuvent trouver. Les gens doivent s’asseoir ensemble et voir pourquoi le niveau de notre football est tombé jusqu’à ce point. On ne peut pas, dans une interview de ce genre, dire, de but en blanc, voici le problème. Les responsabilités sont partagées. Le problème se trouve aussi bien au niveau des dirigeants, des supporters qu’au niveau des joueurs. C’est un grand problème qui est partout et qu’on ne peut pas situer à un seul niveau.
Depuis 98, le Burkina n’a plus fait de bons résultats en phase finale de la coupe d’Afrique, est-ce que cela est lié au niveau de notre championnat ou bien le problème est ailleurs ?
C’est ce que je viens de dire. Le problème est à tous les niveaux. Le football est une continuité. En 1998, si vous avez bien suivi, l’équipe nationale a joué au-dessus de son niveau. Le Burkina ne faisait pas partie des équipes favorites, mais il est allé jusqu’en demi-finale et les gens ont cru en ce temps-là que c’était notre niveau réel. Donc, il n’y a pas eu de travail en bas, les gens ont laissé faire et les dirigeants ont pensé que nous avions le niveau. Si bien que ce que l’équipe nationale avait acquis n’a pas pu être préservé. C’est cela qui a amené le déclin. Personnellement, je trouve que le déclin a commencé en 1998, parce que d’abord, on n’était pas au haut du pavé ; ensuite, je crois que les acquis de 98, on devrait les préserver, ce qui n’a pas été fait. Si je veux citer des cas, je dirai qu’en 98, l’équipe nationale était pleine de jeunes et en 2000 déjà, on l’a cassée sous prétexte que les joueurs sont vieux et tous ceux qui avaient fait 1998 sont partis. Bien que ce soient ces mêmes joueurs qui avaient fait les éliminatoires et qualifié l’équipe pour 2000, les dirigeants ont estimé que l’équipe n’était pas bien et on a fait partir les joueurs. Ensuite, en 2002, quand la qualification a été compliquée, l’équipe nationale a été coachée par un national [NDLR : Sidiki Diarra] qui l’a qualifiée pour le Mali. Les dirigeants ont encore estimé que le niveau du football que produisait cette équipe n’était pas le sien et qu’il fallait faire du « football champagne ». Chose que Sidiki Diarra ne faisait pas du point de vue des dirigeants. Ainsi, il [NDLR : Sidiki Diarra] a été contraint à la démission. On a encore cassé l’équipe et amené une équipe cadette. Je veux dire que les gens s’amusent souvent avec le football national. Mais personne n’a parlé à l’époque. Les gens nous ont forcés à arrêter, les gens ont forcé des joueurs à arrêter, on ne peut pas se maintenir dans ces conditions. Le niveau, en perpétuel changement, ne peut pas se maintenir dans ces conditions. Nous, nous avons joué avec des gens en 1996 en Afrique du Sud, qui continuent de jouer. Mais ici, ils ont tout fait pour casser des équipes, ce n’est pas la nôtre seulement [NDLR : l’équipe de 1998], il y a eu beaucoup d’équipes qui ont été cassées. Ce sont ces raisons, entre autres, qui empêchent l’évolution du football burkinabè. Je ne dis pas que les joueurs sont exemptés de la débâcle actuelle de notre football ; je veux dire que ce sont des actes que les dirigeants ont posés au vu et au su de tout le monde. Donc, il y a eu une très belle équipe de 98 qui était là, qu’on a cassée, émiettée. Maintenant, à chaque fois que les cadets ou les juniors font une bonne prestation, on dit de laisser les seniors et de prendre les juniors, alors que, en football, c’est la performance qui compte. Il n’y a pas de sentiment, il n’y a pas à dire qu’il faut laisser la place aux jeunes. Si les jeunes sont forts, ils vont venir prendre leurs places. C’est comme cela. Si un jeune est en concurrence directe avec un ancien, si le jeune est plus fort, il va prendre sa place. Dans le football aussi, ce n’est pas en sénior que l’on prépare l’avenir. On prépare l’avenir dans les petites catégories. En senior, c’est la performance que l’on recherche. Donc, quand on va à une Coupe d’Afrique des nations, on ne peut pas dire qu’il faut aller avec des jeunes, ils vont apprendre. Non ! On va à une CAN pour faire une bonne prestation. On ne part pas pour y préparer l’avenir. Il y a des moments où cela a été fait. Il y a eu la période du « football champagne » où on a amené une équipe cadette à la CAN. Chose qu’on n’a jamais vue au monde, sauf au Burkina Faso. C’est-à-dire qu’on n’a même pas une ligne directrice avec un objectif précis qui donne l’impression qu’on veut que notre football arrive là. Chacun vient tâtonner dans les instances dirigeantes. Chaque fédération vient avec un objectif différent. Alors que le foot est une continuité comme je l’ai dit. Chaque fédération qui vient doit continuer dans la formation….
Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il est mieux d’amener des locaux lors des grandes compétitions plutôt que de faire confiance aux joueurs expatriés en l’occurrence les professionnels ?
Je dis toujours qu’en football, quand on demande la performance, on cherche des gens qui peuvent donner la performance. Maintenant, que le joueur soit local ou étranger, cela n’a pas d’importance. L’important, c’est que le joueur soit compétitif ! Pourquoi les gens disent d’amener des joueurs locaux ? Parce qu’à un moment donné, Saboteur [NDLR : Drissa Malo Traoré] et Diarra Sidiki avaient fait confiance à beaucoup de joueurs locaux et cela avait donné des résultats satisfaisants. Voilà pourquoi les gens demandent qu’on amène des joueurs locaux. Mais les professionnels aussi ont montré ce dont ils étaient capables. Maintenant, le problème c’est qu’on amène un entraîneur qui ne regarde jamais le championnat national. Il est tout à fait normal qu’on ne compte pas de local dans l’équipe nationale, puisque l’entraîneur ne suit pas le championnat. Quand l’entraîneur est toujours en Europe, c’est normal qu’il amène des joueurs expatriés. Maintenant, ceux qui disent d’amener des joueurs locaux doivent savoir qu’il faut un entraîneur qui suit vraiment le championnat local. Quand on regarde l’ossature de l’équipe du Burkina, ils sont tous venus du championnat local. A part Habib Bamogo, Dagano, Diakité et autres, tous ont joué ici dans le championnat burkinabè. Mais il faut qu’on les (joueurs locaux) suive. Même tous les joueurs de l’équipe nationale cadette sont dans le championnat local. Donc, si dans un an, deux ans, on dit qu’il n’y a pas de joueurs locaux à l’équipe nationale, ce sera le suivi qui aura manqué.
Pour la CAN 2012 en Guinée Equatoriale, comment avez-vous vécu la débâcle des Etalons ?
Je vais vous dire quelque chose qui va vous étonner. Tous les grands connaisseurs du football savaient que le Burkina n’avait pas une équipe compétitive. Les gens se sont flattés, les gens se sont chatouillés, les gens se sont caressés dans le sens de leurs poils mais moi, je dis que les grands connaisseurs savaient qu’on n’avait pas une équipe compétitive.
Vous êtes l’un des rares à dire cela…
Non ! Puisque vous ne m’avez pas demandé avant. Si vous m’aviez demandé avant, nous allions vous le dire. On avait des joueurs, je ne nie pas cela. Mais on n’avait pas d’équipe, c’est différent. Par exemple, la Zambie avait une équipe mais pas de joueurs individuellement. Les joueurs du Burkina, pris individuellement, étaient très bons mais on n’avait pas une bonne équipe. Et, depuis au moins 5 à 6 ans, c’est pareil. Chaque fois, on a de grands joueurs, mais on n’a pas d’équipe. Moi, je savais que ce serait difficile même si les gens disaient qu’on allait remporter la coupe, ou jouer la finale avec la Côte d’Ivoire. Non ! Regardez, la Côte d’Ivoire, par exemple, avait de bons joueurs plus que la Zambie, mais la Zambie avait une bonne équipe par rapport à la Côte d’Ivoire. Donc moi, je sais qu’on ne pouvait pas aller loin dans cette CAN. Et si on continue sur cette même lancée, la qualification à la CAN 2013 est problématique.
C’est l’encadrement technique qui a bâti l’équipe. Et quand on vous écoute, vous dites qu’il y a de bons joueurs mais pas d’équipe. Peut-on dire que l’encadrement technique a failli ?
Tout à fait !
Comment ?
J’ai un constat que je fais. L’entraîneur est venu, il avait tous les atouts de son côté, il avait une équipe qui était unie depuis longtemps. C’est le seul entraîneur qui a eu 4 ans de travail et imaginez-vous quand il est venu qualifier l’équipe, les gens étaient contents, on l’a porté partout. Mais à la CAN 2010, l’équipe ne pouvait même pas faire 3 à 4 passes. Alors que les joueurs étaient les mêmes qui avaient joué les éliminatoires. Ce sont les mêmes joueurs encore qui sont allés en Guinée Equatoriale en 2012. Les gens disent que nous avons joué, moi je pense le contraire. Le fait qu’il ait fait 4 ans avec l’équipe, on pouvait faire mieux. Donc l’encadrement n’a pas été à la hauteur. Et ça c’est depuis longtemps. Les connaisseurs savaient que notre équipe nationale ne pouvait pas jouer dans les grands rendez-vous. Les éliminatoires sont une chose et la compétition en est une autre. Les gens ont confondu les éliminatoires où entre 2 matchs il y a 1 mois, 2 mois, avec la phase finale. Quand il n’y a pas d’équipe, on ne peut pas aller en compétition.
Est-ce qu’on peut dire que l’équipe nationale avait atteint un niveau tel que l’encadrement technique ne pouvait plus la coacher ?
Non ! Je ne pense pas. Une équipe joue à l’image de son entraîneur. Les joueurs au Burkina ont quel niveau ? Et que dira-t-on des entraîneurs du FC Barcelone ou du Real de Madrid qui ont des joueurs de rang mondial mais qui arrivent à les coacher et à les mettre dans un système bien défini ? Donc si l’entraîneur n’est pas rigoureux, s’il ne maîtrise pas son équipe, c’est une défaillance de sa part. Aucune équipe ne peu être au-dessus de son entraîneur. L’équipe doit jouer à l’image de son entraîneur et ce dernier doit maîtriser tout ça. S’il ne peut pas le faire, c’est qu’il n’a pas sa raison d’être là où il est.
A vous suivre, vous êtes plutôt d’accord avec le fait qu’on mette fin au contrat de Paulo Duarte
Sur le départ de l’entraîneur, c’est rare que je critique l’entraîneur parce que moi-même j’en suis un. Mais vu ce qu’il disait, par exemple, pour le cas des gardiens où j’étais concerné, je n’étais pas d’accord. Quand il disait qu’il avait besoin de gardiens et qu’on lui disait qu’il y avait un gardien ici ou là, il répondait que ce gardien ne faisait pas partie de ses plans. Je n’étais pas d’accord. Il n’y avait pas beaucoup de concurrence. Vous parlez de locaux, il n’y avait pas de concurrence si bien que chaque joueur qui arrivait se disait qu’il allait jouer. Quand il n’y a pas de concurrence, il n’y a pas de performance. Donc moi, je l’ai accusé parce que lorsqu’un entraîneur dit, par exemple, qu’il n’y a pas de gardien au Burkina, alors que le Burkina est l’un des pays qui ont les meilleurs gardiens de la sous-région ! La Côte d’Ivoire n’a pas autant de gardiens que le Burkina encore moins le Mali, le Togo, le Bénin et Ghana. Un entraîneur ne peut pas venir effacer cela du revers de la main, et dire qu’il n’y a pas de gardiens. Imaginez-vous qu’il y a des gardiens qui quittent Bobo, qui ne jouent même pas dans un club, et qui viennent prendre leur passeport pour aller jouer des matchs amicaux en France au vu et au su de tout le monde. Personne ne parle. Et des gardiens des cadets qui vont en coupe d’Afrique s’asseoir sur le banc de touche sans aucun match dans les jambes. Un gardien de buts, Diakité Daouda, qui rentre dans des matchs et qui ne peut même pas dégager un ballon parce qu’il a mal au genou, tout ça parce qu’il n’y a pas de concurrence. Ce n’est donc pas la faute aux joueurs, dis-je. Diakité est un bon entraîneur que moi-même j’ai entraîné au Kada-school. Je l’ai eu à la CAN 2003 quand j’étais entraîneur adjoint. C’est un bon gardien, mais il ne peut pas être performant s’il n’y a pas d’émulation et de concurrence. Et voilà là où j’ai accusé l’entraîneur.
Aujourd’hui que peuvent faire les anciens joueurs, les anciennes gloires comme vous, Sidi Napon, Brahma Zongo, et bien avant vous, Amadou le Rouquin, Sap olympique, etc., pour le football national ?
Bien ! Nous avons une association des anciens joueurs AAIF-BF [NDLR : Association des anciens internationaux de football du Burkina]. Nous nous sommes réunis pour voir ce que nous pouvons faire pour le football national. Nous avons appris, maintenant nous devons restituer. Il est de notre devoir de restituer le football comme Sap l’a dit. Il y a des anciens qui ont pris le chemin de la formation, d’autres ont pris d’autres chemins comme Kassoum Ouédraogo. Il y a d’autres encore qui sont dans l’administratif comme Amadou le Rouquin, Seydou Traoré, vice-président de l’ASFA-Yennenga. Donc, les anciens peuvent apporter beaucoup. Quant à moi je suis dans la formation, précisément dans l’entraînement des gardiens. Je prends un exemple : quand Duarte est venu, il a amené un entraîneur de gardien. Moi, j’ai vu cet entraîneur, il est excellent. Il s’appelle Valente. Mais il entraînait les cadets, les juniors, les seniors ; il entrainait les locaux. Il faisait un grand écart entre les différentes sélections pour pouvoir satisfaire les uns et les autres. Pendant ce temps, il y a Yacouba qui est un ancien gardien, Laurent Ouédraogo, Traoré Ibrahim dit Baya et moi-même qui sommes des anciens gardiens et qui étions assis tandis que lui seul il entraînait les 4 catégories. Quand l’équipe nationale est en France, il est là-bas. Alors que nous tous, nous pouvions apporter quelque chose. C’est un exemple parmi tant d’autres. Pour les gardiens, nous sommes là, que faisons-nous ? Baya entraîne à Kada-School, il pouvait apporter grand-chose, moi je pouvais en faire autant, surtout que nous avons fait nos preuves. Nous ne demandons pas l’aumône, nous disons seulement de nous donner des opportunités pour qu’on travaille. Il est venu, il est reparti. Il touchait combien comme salaire ? Il se pourrait que son salaire suffise à nous payer tous les 4. Je ne suis pas contre les expatriés. Moi-même, si on m’appelle ailleurs, je vais partir, mais, je veux dire que parfois, nous faisons du gâchis. Nous sommes des laissés-pour-compte, nos performances et nos capacités ne sont pas exploitées. Nous ne demandons pas de nous donner 5 millions, donnez-nous du travail et le travail, il y en a. S’il n’y en avait pas, nous n’allions pas parler. Comme il y en a et nous sommes formés pour ça, donnez-nous les possibilités de travailler et nous allons aider nos jeunes.
Comment voyez-vous le futur encadreur de la sélection nationale ?
Je crois qu’il doit savoir d’abord qui il doit choisir pour jouer à l’équipe nationale. Duarte a dit que lui, il n’avait pas les mains libres, les joueurs ne s’entendaient pas…. Donc, il faut que ce soit quelqu’un de rassembleur et de très rigoureux.
Un Blanc ? Un national ? Sidi Napon ? Saboteur ?...
Peu importe. Il n’y a aucune différence entre le Blanc et le Noir. Le problème c’est là ! Imaginez Duarte pendant la CAN. Moi, je connais Barro entraîneur adjoint de l’équipe nationale, c’est un grand entraîneur. Mais Moctar Barro était le 5e entraîneur pendant la CAN. Quand ça n’allait pas (moi je voyais les images) Duarte appelait les adjoints blancs qui étaient à côté de lui, alors que Moctar pouvait bien parler. Il peut même parler Dioula et mooré. Ce sont de petites choses qu’un entraîneur adjoint peut apporter à une équipe. Mais Moctar Barro est là, Duarte est parti à la CAN avec 4 entraîneurs adjoints blancs. Tout ça c’est normal ? Quand la fédération met Moctar Barro à cette place- là, le joueur aussi n’est pas bête. Il regarde, il voit que la personne qui lui parle n’a pas de poids et le joueur ne peut pas le respecter. Mais si on vient et on dit que c’est Sidi Napon qui est entraîneur, c’est un professionnel et il sait comment travailler, même au Burkina, il y a des entraîneurs qui peuvent très bien encadrer l’équipe nationale. Peu importe, moi je veux un entraîneur qui mettra beaucoup de concurrence dans l’équipe pour la rendre performante. C’est un b.a.-ba. pour un entraîneur.
Des rumeurs courent sur le retour de Troussier
Moi je connais l’homme, je connais sa rigueur parce qu’il m’a entraîné, on a joué la CAN 98 ensemble et il m’a entraîné au Maroc. Mais je ne peux pas dire que c’est l’homme de la situation, parce que les situations ne sont pas les mêmes. En 98, il y avait beaucoup de joueurs locaux. Maintenant, nous avons beaucoup de joueurs qui sont dans les championnats européens. Or, en 98, c’était en majorité des joueurs locaux. Ce n’est plus la même approche, donc on ne peut pas dire que c’est Troussier qui est l’homme de la situation. On veut un homme de la situation.
Comment voyez-vous nos chances en 2013 ?
C’est ce que je dis. Si on reste dans le tâtonnement, dans le copinage, dans le fameux mot consensus où personne ne veut frustrer personne, personne ne veut dire non à personne, personne ne veut élever la voix contre personne, on va droit dans le mur. Quand on dit football, ce sont les joueurs, les dirigeants et les supporters. Aujourd’hui, si on dit que le championnat est gratuit, les terrains ne seront pas pleins. Pourquoi ? Ils doivent en chercher les raisons.
Que voulez-vous dire au monde du football burkinabè ?
Je crois qu’on est à la recherche d’un président de la fédération. Sita est le seul candidat qui est en phase de le remporter. [NDLR : l’interview a été réalisée le samedi 10 mars à 10 heures au moment où l’AG élective de la fédération se tenait]. Je crois qu’on a confiance et je crois que les leçons seront tirées de tout ce qui s’est passé avant. Comme il est l’unique candidat et que nous sommes, pour le développement de notre football, on est obligé de le soutenir parce que ce n’est pas facile. Donc, chacun va donner la main à l’autre pour sortir notre football de cette léthargie. Il ne faudrait pas qu’on pense que c’est l’équipe nationale seulement qui représente notre football. J’ai écouté son programme. S’il arrive à le réaliser ce sera bien. Maintenant, il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte. Moi, je demande au monde du football de le soutenir. Mais, il faut aussi que quand il y a des vérités, qu’on les dise sans que quelqu’un ne se sente frustré. Le problème ici, c’est que lorsque tu dis des vérités, on pense que tu es un ennemi. Or, on peut être des adversaires sans être des ennemis. Je reviens sur l’équipe de 1998 et celle de 2002. Les équipes étaient bien. Elles ont cependant été cassées et personne n’a parlé. Si les gens parlaient, on ne serait pas là.
Propos recueillis par Wilfried BAKOUAN