Autant sur les pelouses de la Ligue 1 que sur celles de nombreux stades africains, la magie de son pied gauche a fait vibrer. Il était destiné à siéger dans la cour des grands, le sort, dans sa méchanceté gratuite, semble se plaire à déjouer ce pronostic. Est-ce la fin du rêve ?
En ce début des éliminatoires de la CAN Gabon 2017, le Monégasque Alain Traoré était l'un des plus attendus par le public burkinabè. Ce rendez-vous, le natif de Bobo-Dioulasso l'attendait, sans nul doute, lui aussi. Et pour cause, privé des phases éliminatoires comptant pour Guinée Equatoriale 2015, par une blessure, le milieu de terrain burkinabè voyait là, l'occasion de rendre la monnaie de la pièce à ses camarades qui avaient œuvré à la qualification des Etalons. Malheureusement, le sort, une fois de plus, décidera de retarder son entrée en scène, suite à une blessure contractée aux entraînements, après le match amical contre Bastia.
Arrivé à Auxerre en 2005, en provenance de Planète Champion, celui qui a échappé de peu à Sir Alex Ferguson en personne, a réussi à force de travail, à se faire une place de titulaire dans le club cher à Guy Roux. Mieux, il était devenu le dépositaire d'un football efficace et attrayant. Qui ne se souvient pas d'un certain coup-franc à la trajectoire, qui n'est pas sans rappeler celui du Brésilien Roberto Carlos ? Sa vitesse et sa frappe de mule ont constitué dans le Bourgogne, un régal dont les supporters s'en sont délectés à cœur joie. Au sommet de son génie juvénal, lors de la saison 2010-2011, il s'était permis, un peu moins, d'une dizaine de buts, marqués hors de la surface de réparation. Une marque déposée. Le pied gauche foudroyant de ce Burkinabè de 1,76m, avait conquis les cœurs et bluffé la Ligue 1. Dès lors, l'avenir radieux de Alain Traoré était prophétisé, sans coup férir.
En 2012-2013, il voit son destin lié à celui de Lorient. Un transfert considéré alors à juste titre, comme l'un des plus beaux coups du mercato estival du football français. A 23 ans, ce qui captive chez l'aîné des frères Traoré, c'est plutôt sa force de caractère sur le terrain. «Un jeu qui bonifie ses partenaires», avait relevé son entraîneur.
Généreux sur le terrain, Alain Traoré ne l'est pas moins dans sa vie de tous les jours. Ceux qui le connaissent le décrivent comme un garçon ouvert, toujours prêt à prêter main forte. Il le dit lui-même dans une interview accordée à un confrère français : «il faut aider. C'est important d'aider les gens en difficulté. Ça fait partie de moi. Je ne veux pas que les gens galèrent. Je ne veux pas que les autres soient dans la $$$&& comme je l'ai été, quand j'étais petit». Voilà ce qui explique certainement, son engagement à offrir, à travers son centre de formation, à d'autres jeunes talents, la possibilité de se forger une vie de footballeur professionnel.
Un abonnement à l'infirmerie
Sous les couleurs de Lorient, le milieu de terrain démarre avec une fulgurance qui ne surprend personne. On le voit d'ailleurs sur les traces de Arjen Robben et autres. Malheureusement, les blessures essentiellement musculaires, vont mettre sa volonté et son abnégation au travail à rude épreuve. Pour sa première saison, ses jambes sont créditées de 14 matches, tandis que la deuxième l'est de 22 matches. C'est d'ailleurs après une blessure qui l'aurait éloigné des stades qu'Alain prendra le pari de disputer la CAN 2013. Pari presque réussi, lorsqu'au cours du dernier match de poule, celui qui s'était positionné comme possible meilleur buteur quitte la compétition en plein match. C'était l'émoi total, à travers tout le territoire burkinabè.
En Guinée Equatoriale, il aborde la Coupe d'Afrique des Nations dans des conditions quelque peu similaires. Certains observateurs se sont d'ailleurs interrogés sur l'opportunité de disputer la compétition, tant ce retour de blessure paraissait assez limite. Mais dans une interview qu'il nous avait accordée, il avait clairement énoncé: «si je viens à cette CAN, c'est pour apporter quelque chose. Si je ne me sens pas capable d'apporter un plus, je ne viendrai pas». Un don de soi presque sans égal. Avec deux tirs sur le poteau (1 sur coup franc et 1 sur une passe de son petit frère) et une tête qui auraient pu connaître meilleure sort, la baraka s'est acharnée sur le Burkina et son football. Mais, les statistiques sont formelles, avec son capitaine Charles Kaboré, ils font partie des joueurs qui ont développé un volume impressionnant de jeu, lors du premier tour.
Fin d'une carrière prometteuse ?
Après avoir végété à Lorient où il était en conflit avec son entraîneur, c'est Monaco qui l'accueille avec une option de prêt-achat, au détriment de quelques clubs anglais. Une expérience, quelque peu douloureuse, aujourd'hui. Sauf erreur de notre part, Alain Traoré ne totalise que 23 petites minutes de jeu en Ligue 1, deux matches de Coupe de France (on revoit encore son coup franc sur la barre) et seulement 63 minutes de jeu en Coupe de la Ligue. Confiné sur le banc de touche, si ce n'est dans les tribunes, ce prêt passe pour être le flop de la saison.
Interrogé sur les blessures à répétition de son poulain, le coach Gernot n'a pas caché ses inquiétudes. «Tous les examens possibles s'imposent pour comprendre à quoi est due tant de blessures à répétition», a laissé entendre en substance, le nouvel homme fort des Etalons.
Pour certains, il est à se demander si ce talentueux footballeur n'a pas été naturellement rattrapé par le temps, à l'image de bon nombre de footballeurs, auteurs ou victimes de falsification d'âge. Rien que sa date (31 décembre) de naissance laisse perplexe. Pratique très courante en Afrique, ils sont nombreux à subir le rajeunissement sur papier qui, en réalité, fait l'affaire des agents véreux plus que celle des joueurs eux-mêmes. Résultat, quand vient l'âge de la maturité, ces visages ridés à l'esprit juvénile sont au bout du rouleau, victimes d'une accumulation de charge de travail qui n'a pas correspondu à leur capacité biologique. Du reste, il n'est un secret pour personne que la prescription des soins, aussi bien que la rééducation obéissent à un protocole correspondant à l'âge.
L'ancien pensionnaire de Planète Champion, né officiellement le 31 décembre 1988, aurait-il été rattrapé par le temps ? Nous n'en savons strictement rien. En tous les cas, bien des joueurs se sont fortement rajeunis, sans pour autant avoir été abandonnés par leurs ressources physiques. D'autres, malgré leur âge normal, n'ont pas été épargnés des blessures. Dans ce registre, le sociétaire de Arsenal, Abou Diaby, en est la triste illustration. Considéré comme le meilleur de sa génération, le Français qui voit impuissamment sa carrière sabotée par des blessures à répétition, n'a jamais pu exprimer la pleine mesure de son talent.
Ce qu'on peut retenir de cet international burkinabè, c'est son caractère bien trempé. Doté d'un mental à toute épreuve, Alain Traoré est reconnu pour être un gros travailleur. Au football, 27 ans représentent l'âge de la maturité et ce n'est certainement pas ce énième handicap physique qui freinera l'ascension finale du Bobolais. En tous les cas, ce garçon, prêt au sacrifice, sous le maillot national et toujours volontaire à mettre son épaule à la disposition de son prochain, a besoin des prières et des bénédictions de tous les Burkinabè, d'où qu'ils soient, de quelque confession religieuse qu'ils se réclament. Un tel talent est fait pour sortir par la grande porte, et quelque chose nous dit que ce pied gauche magique, encore riche en poudre, est loin de la conclusion de son histoire. N'en déplaise aux futurs adverses du Burkina, le rêve n'est pas fini.