Arrêtez de tirer sur le corbillard togolais!
Dimanche, 31 Janvier 2010 16:37
Morin Yamongbé
Les Eperviers du Togo
Inique, intolérable, déplorable, inhumaine, malheureuse… Il n’y a de mot assez
fort pour déplorer et condamner la décision catastrophe de la structure
faîtière du football africain, qui vient de suspendre «l’équipe
nationale représentative du Togo pour les deux prochaines éditions de
la Coupe d’Afrique des nations», et infliger «une amende de 50 000
dollars US à la Fédération togolaise de football»?
Est-ce la faute aux Togolais si l’un des sites de la CAN’2010 est une localité
à risque, dans un pays encore insécurisé du fait des menaces constantes
des rebelles indépendantistes de l’enclave de Cabinda? La Fifa
n’a-t-elle d’ailleurs pas révélé qu’elle avait bel et bien prévenu la
Confédération africaine de football (CAF) des intentions affichées des
rebelles cabindais de se mettre en évidence par des attaques de toutes
sortes lors de cette manifestation? Malgré cette grosse épée de
Damoclès qui pendait sur la compétition, notamment dans la zone très
dangereuse du Cabinda, la CAF et le comité angolais d’organisation de
la CAN se sont entêtés, envoyant presque délibérément à la mort, deux
membres de la délégation togolaise. La fusillade en règle essuyée par
le convoi togolais aurait pu être une véritable hécatombe, si joueurs
et membres de la délégation ne s’étaient pas réfugiés, comme ils
pouvaient, sous les sièges de leurs bus -protection du reste bien
ridicule face aux impitoyables mitrailleuses des assassins- et si leur
escorte policière n’avait pas réussi à riposter, faiblement certes,
mais fermement.
Faisant fi de sa responsabilité dans ce drame du vendredi 8 janvier 2010, qui a
endeuillé les familles des victimes et toute la nation togolaise, et
manquant totalement de compassion, la CAF a osé prendre cette décision
inacceptable et pousser la bêtise jusqu’à infliger une amende de près
de 25 millions de francs CFA aux Togolais! Cet argent peut-il redonner
la vie à Abalo Amélété et Stanislas Ocloo, qui sont tombés dans l’enfer
cabindais? Tout l’argent du monde, en particulier celui qu’on voudrait
ramener en Angola en faisant croire aux investisseurs étrangers que le
pays est désormais sécurisé, pourra-t-il calmer la douleur des familles
endeuillées et du peuple togolais encore sous le choc de cette
tragédie? Avec quel argent la CAF compte-elle payer le préjudice subi
par nombre de professionnels togolais, qui ont quitté leurs clubs,
mettant en péril leurs places sur le terrain et donc leur carrière,
pour aller disputer les éliminatoires de la CAN, la CAN elle-même et
pour honorer les temps de préparation? La CAF est-elle consciente que
les clubs européens recrutent difficilement les joueurs africains,
justement à cause de cette CAN, dont le déroulement décime les
effectifs de nombre d’équipes?
Issa Hayatou et les responsables de la CAF, qui ont pourtant su écrire de
belles pages pour le football africain, doivent arrêter de gérer cette
structure comme une épicerie et, en l’occurrence, arrêter simplement de
tirer sur le corbillard togolais, en retirant leur décision
catastrophe. Ils ont beau jeu de dénoncer l’interférence politique dans
cette affaire. Mais d’où vient l’argent qui sert à payer les salaires
de l’encadrement technique et les primes des footballeurs qui, eux,
permettent, à leur tour, à la CAF de remplir ses caisses, grâce aux
fonds très substantiels des sponsors?
A la vérité, la CAF doit dépoussiérer ses textes et savoir qu’il y a la
loi, mais également l’esprit de la loi. Les autres pays et la Fifa
doivent manifester leur solidarité avec le Togo, afin de barrer la
route aux mesures de plus en plus incompréhensibles d’une CAF, qui
serait plutôt bien inspirée -pourquoi pas?- de décerner un trophée
symbolique aux «Eperviers» du Togo, douloureusement privés d’une fête
continentale qu’ils ont vaillamment préparée et fiévreusement attendue…