Projet attractif autour du sport et étude diaboliquement monté par dame Bado a attiré d’incrédules parents. Malgré les signes précurseurs, personne ne s’est méfié. Le centre inachevé, les dortoirs inéquipés, l’absence du minimum dans le centre d’accueil, rien de tout ça n’a éveillé la méfiance des parents qui ont cru avoir trouvé là, de quoi construire l’avenir de leurs enfants. Pourtant ils se sont saignés les quatre veines. La scolarité " unique ", on payait une fois pour tout le cursus, était quand même salé : 300 000 f par enfant, sans les autres frais. Voici la longue histoire de mensonge et d’arnaque de dame Bado, que personne n’a pu prévenir.
Le centre de Mme Bado née Ouédraogo Haoua se trouve à Zékounga, un village situé à la périphérie nord-ouest de Ouagadougou. C’est dans cette localité qui dispose encore de quelques champs que la dame Bado a eu un terrain d’environ 600 m2 pour ériger son centre de football dénommé Béog-kamba (littéralement en moré "les enfants de demain"). Dans la cour, se dressent trois bâtiments : deux servent de dortoirs et un tient lieu de réfectoire. Les deux bâtiments dortoirs se regardent face à face, séparés d’environ deux mètres, à l’image de certains célibateriums de nos villes. Chaque bâtiment a 10 dortoirs de 4 lits chacun. La capacité d’accueil est donc de 80 pensionnaires. Mais en octobre, le centre abritait officiellement 93 enfants. En février, ils étaient 108 pensionnaires.
Le bâtiment qui sert de réfectoire n’est pas achevé. Il n’a pas de plafond et n’est pas crépis. Il y a 6 douches et une seule latrine. Il n’y a pas de forage dans la cour. Pas d’électricité. Il n’y a pas non plus de terrain d’entrainement ; les pensionnaires négocient le terrain du village situé à 2km de leur lieu d’hébergement. La clôture du centre n’est pas achevée. Il n’y a pas de salles de classe ni pour les enfants du primaire ni pour ceux qui doivent faire le secondaire. Pourtant, Mme Bado a encaissé plus de 40 millions f cfa et c’est un tel centre qui a accueilli les enfants pendant sept mois (d’octobre 2010 à avril 2011). En mars, les enfants ont commencé à déserter le centre par petit groupe avant qu’il ne se vide définitivement en début mai.
Le fonctionnement du centre a connu plusieurs défaillances bien avant l’accueil des enfants sur le site. C’est un véritable feuilleton qui continue d’opposer les parents des enfants à la fondatrice. Une année blanche pour de nombreux élèves qui se retrouvent avec des moyennes à faire frémir les parents. L’affaire est en justice depuis plusieurs mois. Après avoir séjourné quelques jours à la maison d’arrêt de Ouagadougou, l’accusée qui a bénéficié d’une liberté provisoire ne répond plus aux convocations de la justice. Ses numéros connus ne répondent plus. Son bureau est hermétiquement fermé. Aux dernières nouvelles, elle serait en Côte d’Ivoire. L’histoire du centre de Mme Bado est une succession de mensonges et d’arnaque. La question que les victimes se posent, c’est pourquoi a-t-on laissé faire une telle forfaiture ?
Le feuilleton commence en mars 2010. Des messages sont passés sur deux chaines de télévision, la télévision nationale du Burkina (TNB) et SMTV. A la TNB, c’est pendant l’émission "magazine des sports" qu’un message défile en bas de l’écran. Sa teneur est simple, il annonce l’ouverture dès la rentrée 2010-2011 d’un centre de football de type "sport et études". Sont admis, les élèves dont l’âge est compris entre 7 et 16 ans.
Les parents d’élèves intéressés sont priés de passer au stade municipal pour "de plus amples informations". Ces informations complémentaires sont les suivantes : pour passer le test de sélection, chaque enfant doit payer 10 000 f cfa ; les frais de scolarité s’élèvent à 300 000 f cfa ; les frais d’équipement sportif à 37 000 f cfa ; la ration alimentaire mensuelle à 25 000 f cfa pendant dix (10) mois. Les frais de scolarité ne sont plus payés jusqu’à ce que l’enfant quitte le centre à l’âge de 20 ans. A Bobo-Dioulasso, le recrutement a eu lieu en juillet. Les conditions sont légèrement différentes. Les frais de scolarité passent à 350 000 f cfa. A partir de 2011-2012, en plus de la ration alimentaire qui coûte 25000f/mois, chaque pensionnaire doit payer 100 000 f cfa chaque année. La promotrice n’a pas dit à quoi correspond cette somme et pourquoi ce sont seulement les pensionnaires venus de Bobo qui sont astreints à ce paiement. Dans la capitale, il y a eu un réel engouement des parents. Des centaines d’enfants se sont présentés au stade pour le test.
Tous ont payé les 10 000 f cfa. C’est une véritable compétition qui a départagé les postulants. A Bobo, il n’y a pas eu de test parce que beaucoup de parents étaient offusqués par les conditions de la dame. Au départ, elle avait fixé les frais à 800 000 f cfa. Ce qui a découragé beaucoup de parents d’élèves. Au total, à la rentrée en octobre, ils étaient 93 pensionnaires venus de Ouaga, de Bobo et d’autres villes du Burkina à intégrer le centre à Zékounga, situé à la périphérie de Ouagadougou, sur la route de Ouahigouya. Parmi les 93 pensionnaires du centre, il y avait également deux Togolais et un Nigérien. En janvier 2011, trois autres jeunes (deux Ivoiriens et un Burkinabè) viendront de la Côte d’Ivoire rejoindre les autres.
Les deux Togolais et le Nigérien ont payé chacun 350 000 f cfa pour les frais de scolarité alors qu’ils ne fréquentaient pas, 35 000 f cfa pour l’achat des équipements sportifs qu’ils n’ont jamais eu à l’instar des autres pensionnaires nationaux, 400 000 f cfa pour de prétendus frais de papiers pour aller faire un test dans un club anglais. Ils n’ont jamais vu les papiers, encore moins un billet de voyage pour le pays de Beckham. Les trois derniers venus (de la Côte d’Ivoire) n’ont rien payé. La promotrice leur a promis de les faire jouer dans son club qui évoluerait en deuxième division. Pourtant, elle n’a pas un club masculin qui évolue à ce niveau de compétition. Elle avait un club féminin qui est en hibernation depuis plusieurs saisons. Les trois jeunes sont toujours à Ouagadougou dans l’attente.
Faux tournoi de San Pedro : les premiers signes inquiétants
Les défaillances ont commencé bien avant que les enfants n’intègrent le centre le 20 octobre 2010. Du 6 au 16 septembre, les enfants de Ouagadougou au nombre de 63 sont convoyés à San Pedro en Côte d’Ivoire pour un tournoi. La fédération burkinabè de football et le ministère des sports ne sont pas officiellement informés du voyage. Mme Bado estime qu’elle est bien connue dans le milieu, par conséquent elle n’a pas besoin de demander une autorisation pour le voyage. Elle a travaillé effectivement comme secrétaire au ministère des Sports pendant des années. Elle ne se prive pas non plus de vanter son amitié avec l’actuel secrétaire général de la Fédération burkinabè de football, M. Emmanuel Zombré. Elle a créé dans les années 90 un club féminin de football dénommé "l’Association Sportive les Intrépides de Ouagadougou (ASIO)". Depuis 2002, ce club ne fonctionne plus.
Avant le départ pour San Pedro, chaque parent a déboursé 50 000 f cfa par enfant. Elle a donc empoché 3 150 000 f cfa. Elle a exigé que chaque enfant vienne avec une boite de lait en poudre. Ce qui a servi de faire le petit déjeuner lors du séjour ivoirien. Elle aurait loué le car de son oncle à 700 000 f cfa alors que les parents souhaitaient que les enfants voyagent avec une compagnie sûre. C’est l’entraineur des enfants, Lassina Sawadogo, un professeur d’éducation physique au lycée municipal de Sigh-Noghin qui a conduit la délégation. Ils quittent Ouagadougou le 6 septembre avec un car dont l’état physique n’inspire déjà pas confiance. Arrivé à Sabou, 50 km de Ouaga, il tombe en panne. Ils passeront des heures sur place. Quand il redémarre, ils n’arriveront pas à Bobo avant que les ennuis ne recommencent. Ils sont obligés de passer leur première nuit sur le territoire burkinabè. La chance ne va pas les sourire non plus sur le sol ivoirien. Les pannes se multiplient sur le trajet. A Katiola, c’est le terminus. Le car s’est totalement bloqué. Il ne démarre plus. Il était à bout. C’est coincés dans un mini car que les 64 arrivent à San Pedro. L’encadreur n’en revient pas : " Le car était un véritable cercueil roulant. J’étais très inquiet. " La cour où ils sont descendus n’était pas rassurant non plus. Les enfants racontent qu’ils ont été très mal hébergés. " On était dans une cour sans eau. C’est de dehors qu’on nous envoyait l’eau.
Ça nous suffisait pas. On ne se lavait pas tous les jours. Les dortoirs étaient sales. On dormait à 5 sur un matelas. On mangeait généralement une fois, soit à midi, soit le soir.", témoigne un enfant qui a fait partie du voyage. Il raconte que c’est le lait en poudre payé par les parents qui servait pour faire le petit déjeuner. L’argent de poche de certains enfants a été volé pendant qu’ils étaient au terrain pour les matchs. La cour n’a pas de porte et pas de gardien non plus. Ils ont l’impression que c’est une cour abandonnée. Le tournoi s’est réduit à un match pour l’équipe minime et deux matchs pour les cadets. Les enfants sont rentrés le 16 septembre très amaigris, selon le président de l’association des parents d’élèves, Dr Balma Lucien qui affirme que les parents avaient demandé que les enfants voyagent par TCV, mais la promotrice a plutôt fait confiance au car de son " oncle ".
Une rentrée calamiteuse au centre
Pour intégrer le centre, d’autres sacrifices sont demandés aux parents. Chacun doit envoyer un matelas et un seau pour son enfant. Elle a fixé sa rentrée le 10 octobre. A cette date, les parents se retrouvent avec les enfants portant leurs matelas et seaux au stade municipal. Séance tenante, elle leur dit que le centre n’est pas encore prêt, il faut encore patienter jusqu’au 20 octobre. Elle promet qu’à cette date, tout sera prêt. Le 20 octobre, les parents et les enfants se transportent de nouveau au stade. Ils vont attendre de 15h à 18h avant de démarrer. Ils arrivent au centre à 20h. "Il faisait noir dans le centre. Avec ce que nous allions voir par la suite, j’ai compris pourquoi elle ne voulait pas qu’on vienne dans la journée. Les bâtiments étaient inachevés, il n’y avait pas de commodité ; pas d’eau et de courant. Nous avons compris tout de suite que c’est avec notre argent qu’elle a commencé la construction de son centre. ", déclare le président des parents d’élèves, Dr Balma.
Le gardien du centre que nous avons rencontré confirme que c’est en juin 2010 que les travaux de construction ont commencé. C’est surtout en septembre qu’ils vont s’accélérer. Avant cette date, la dame avait encaissé l’argent de la moitié des pensionnaires, selon le bureau de l’Association des parents d’élèves. Mme Bado, elle, se justifie en ces termes dans le journal Le Pays du 7 avril dernier : "Je croyais effectivement finir la construction du centre avant la rentrée mais ça n’a pas été le cas et j’ai convoqué à quatre reprises les parents pour exposer le problème. Ils ont tous été d’accord pour qu’on effectue la rentrée le 20 octobre en attendant la fin des travaux. Pour les dortoirs, j’avais commandé des lits et des matelas et jusqu’à présent, la commande n’est pas arrivée." A qui a-t-elle passé commande et pourquoi n’arrive-t-elle pas plusieurs mois après ? Elle ne donne aucune précision.
Un gâchis scolaire pour les enfants
Mme Bado a pris aux parents du jeune Togolais ( Pascal Thombiano) 437.000.CFA au motif de lui trouver un Club en Angleterre Côté études des enfants, tout le monde reconnait que ça été une catastrophe. D’abord, les enfants ont accusé un énorme retard. La dame avait promis le 10 octobre qu’il n’y aurait pas de soucis le 20 octobre. Mais une fois les enfants au centre, les parents se sont rendu compte que la promotrice n’avait entrepris aucune démarche pour trouver de places pour leurs enfants. Somé Dieudonné, pensionnaire venu de Bobo-Dioulasso raconte : "Quand on est venu le 20 octobre, on a fait plus de deux semaines avant d’aller à l’école. On nous a rien dit par rapport à ce retard." Il devait faire la classe de 3ème. C’est l’encadreur sportif qui, constatant que les enfants ne partaient pas en classe, a négocié avec deux établissements secondaires, le Lycée municipal de Sig-Noghin où il travaille et le collège Wend Lamita pour inscrire les enfants. "J’ai usé de mes relations pour avoir des places pour eux dans ces deux établissements. J’ai tenu à ce qu’il y ait des contrats entre ces établissements et la promotrice.
C’est ce qui a été fait et j’ai pu commencer les entrainements." Au lycée municipal, il y avait 15 élèves et au Collège privé Wend Lamita, ils étaient au départ 52 élèves. "C’est Lassina [le coach] qui a fait venir la dame chez moi pour négocier les places. On a signé un contrat pour les 52 élèves à hauteur de 50 000 f cfa par élève. Cela fait 2 millions 600 000 f cfa. C’est une faveur que je lui ai faite car normalement, c’est 96 000 f cfa par élève. Elle m’a donné d’abord 200 000 f cfa et elle a disparu. Je l’ai appelé fatigué pour qu’elle me règle le reste, mais elle ne venait pas. C’est un jour qu’elle est venue donner encore 200 000 f cfa et c’est tout. Ses numéros ne marchent plus. Par pitié pour les enfants, j’ai dit aux surveillants de laisser les enfants continuer leurs études.", raconte El hadj Souleymane Sawadogo, le fondateur du collège Wend Lamita de Tampouy. Au lycée Municipal, de sources sûres, elle n’aurait pas non plus épongé ses dettes. Mme le proviseur n’a pas souhaité nous confirmer cette information ainsi que d’autres précisions ( l’assiduité des enfants, leur rendement entre autres). Elle dit ne pas vouloir se mêler de cette "histoire".
Parmi les 7 élèves du centre qui faisaient la 3ème, aucun n’a réussi à l’examen du BEPC. Ce qui n’est pas surprenant avec les conditions qu’ils ont endurées. Le groupe électrogène du centre tombaient régulièrement en panne et pouvait rester des jours sans réparation. Les élèves n’ont pas de salle d’étude. C’est au réfectoire ou dans les dortoirs qu’ils bossent au milieu d’autres enfants qui ne fréquentent pas. Pour le transport vers leurs établissements respectifs, la promotrice a loué un car. Le car transportait uniquement les élèves du secondaire ; ceux du primaire (28 au total) partaient à pied. Ils ont également beaucoup souffert car ils ont dû faire trois écoles en l’espace de six mois parce que la promotrice n’honorait pas ses engagements. "Au début, on se réveillait à 5h pour attendre le car vers 6h00. Au fil du temps, il venait vers 7h00, ce qui fait qu’on partait en retard. Il y a des jours où il ne venait pas du tout. On ne savait vraiment pas si le lendemain on allait partir ou pas.", témoigne Aziz.
Le surveillant du collège Wend Lamita, M. Keita, confirme : "On avait des difficultés avec les enfants de ce centre. Ils venaient trop en retard et il y avait également trop d’absence. J’ai été visiter le centre et je me suis rendu compte qu’il n’était pas du tout approprié pour les études. Le cadre ne s’y prête pas. Je constaté aussi qu’il y avait des enfants non scolarisés qui prenaient le car avec les élèves inscrits dans notre établissement. Ils venaient ensemble et à la récréation, les élèves sortaient les rejoindre et certains ne revenaient plus suivre les cours ".
Au premier trimestre, beaucoup d’élèves se sont retrouvés avec des moyennes en dessous de 6. Josias Balma, le fils du président de l’association des parents d’élèves qui a fait la 6ème, a eu 5/20 comme moyenne alors qu’au CM2, il avait 6, 94/10 comme moyenne générale. Somé Dieudonné a intégré le centre avec une moyenne générale de 13/20 en classe de 4ème. Au premier trimestre, il a seulement composé deux devoirs et s’est retrouvé avec 2/20 comme moyenne. Son copain a, lui, eu 6/20. Au deuxième trimestre, il a dégringolé à 2/20 et le troisième trimestre, aucun n’a composé. Au collège privé, sur les 52 inscrits, 36 vont terminer l’année scolaire. En effet, à partir de mars, le car ne venait plus. Les élèves ont fait des jours sans aller en classe. Il faut souligner que la distance qui sépare le centre du premier établissement (Wend lamita) est d’au moins 10 km. Deux taxis vont remplacer le car. " Non seulement ils ne venaient pas à l’heure indiquée (6h00), mais ils ne faisaient que deux tours. Dans chaque taxi, il y avait 2 devant, 5 derrière et 3 dans le coffre. Malgré tout ça, d’autres ne gagnaient pas la place et étaient obligés de rester au centre ", affirme Alexis, élève au Lycée municipal.
Sur le plan alimentation, la situation était également déplorable. Les enfants se plaignaient de la nourriture. Non seulement, le menu n’est pas varié à leur goût, mais les femmes commises à cette tâche ne s’exécutaient plus comme il se devait parce qu’elles accusaient des arriérés de paie. Elles ont fini par abandonner et remplacées par des femmes du village qui se débrouillaient avec une cuisine sur les 3 pierres, faute de gaz. La situation est davantage compliquée par l’absence de forage dans le centre. L’hygiène des enfants laissait à désirer. Les plus grands des enfants doivent aller chercher l’eau pour se laver. Pour les tout petits, ce sont deux femmes qui devaient s’occuper d’eux, mais comme elles n’étaient pas payées régulièrement, elles venaient quand elles voulaient. Les petits ne se lavaient donc pas tous les jours au point que certains étaient refoulés de leur classe par certains professeurs. La ration alimentaire n’était pas à la hauteur des 25 000 f /mois payés par les parents. " On mangeait mal. Le matin, on nous servait du café sans lait ou sans pain. A midi, c’est soit du riz sauce clair soit du spaghetti et le soir, c’est parfois le reste du menu de midi qu’on nous donnait. C’était vraiment pénible.
Le problème, c’est que même avec ton argent de poche, tu ne peux pas acheter à manger car la ville est très loin. ", raconte Pascal Thiombiano, un des délégués des pensionnaires. " J’ai tué deux serpents dans les douches ", témoigne Pascal Thiombiano. Pour justifier ces conditions de vie et d’études, la promotrice jure que c’est parce que " il y a des parents qui ne sont pas à jour de leurs cotisations… " Selon nos sources, pièces à l’appui, en décembre 2010, sur les 93 inscrits officiellement en octobre, 71 élèves étaient à jour (frais de scolarité, équipement de sport et ration alimentaire). A cette date, elle avait encaissé plus de 25 millions. Les autres parents d’élèves non à jour avaient pour la plupart régler plus de la moitié de ce qu’ils devaient, selon les membres du bureau de l’APE qui ont fait de la sensibilisation dans ce sens. Avec cet argent, elle n’a ni payé la scolarité des enfants ni les équipements sportifs. Ce sont encore les parents qui ont payé la tenue scolaire pour leurs enfants. Un des proches de la dame avec lequel elle a monté le projet nous confie que le problème ne se situait pas au niveau de l’entrée des cotisations.
Il soutient que " l’argent était là ". " Le problème, c’est qu’elle a multiplié ses dépenses. Elle a ouvert un salon de coiffure dont le local lui coûtait mensuellement 150 000 f cfa et elle a payé 2 motos pour ses enfants. ", affirme cette source proche de la dame.
" Béog-kamba ", un centre illégal cautionné par la FBF
Le centre est manifestement illégal. Il n’est reconnu par aucune des structures qui s’occupent du Sport. Un centre de football reconnu est normalement affilié à la ligue d’où il est implanté. A la ligue de centre de football, on ne reconnait pas avoir reçu une demande d’affiliation émanant de Mme Bado pour ouvrir un centre dénommé " Béog-Kamba ". Le secrétaire général de la Ligue nationale de football est également formel : " Son centre n’est pas affilié à la ligue nationale, donc il n’est pas reconnu par la FBF. " Il reconnait qu’il y a une grande pagaille dans l’ouverture et la gestion des centres de football au Burkina. Pour un centre " sport et études " avec le système d’internat, l’avis de certains services de l’Etat est indispensable avant son ouverture. Il faut dans ce cas l’autorisation des ministères des Enseignements, de la santé et de l’Action sociale. Aucun de ces ministères n’a été informé de l’existence du centre de Mme Bado. En revanche, le ministère des Sports a été officiellement informé de l’ouverture du centre.
Dans une lettre datée du 23 septembre 2010, la fondatrice informait le ministre Jean-Pierre Palm de " l’ouverture de mon centre de formation de football ". La lettre a été réceptionnée par Mlle Victoire Sib du cabinet du ministre. La FBF était également au courant de l’existence du centre. La preuve, son secrétaire général a inclus le centre " Béog-Kamba " parmi les clubs et centres de formation sport et études retenus pour le championnat national minime 2010-2011. Cette décision a été prise le 21 janvier 2011. Comme le centre n’est pas affilié officiellement à la FBF, c’est sous le couvert des " Intrépides ", le club féminin disparu depuis 2002 que le centre est invité par le SG de la FBF à faire partie des nominés pour participer au championnat. Quand elle envoyait les enfants souffrir à San Pedro, elle aurait informé, de source sûre, le SG de la FBF. Elle laissait entendre qu’elle n’a pas besoin d’une autorisation pour ce voyage comme le stipule les règlements en la matière car, estime-t-elle, tout le monde la connait dans le milieu des sports.
Quand les parents d’élèves ont commencé à se plaindre des conditions dans le centre, elle aurait dit que c’est inutile d’aller se plaindre à la FBF car, de toutes les façons, elle n’aurait rien à craindre à ce niveau. "Le SG me rend compte de toutes vos discussions avec lui", a-t-elle confié aux membres de l’APE. Nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre le SG de la FBF et le directeur technique national (DTN), mais leurs téléphones ne répondaient pas. Notre dernière tentative date du 8 juillet. N’étaient-ils toujours pas rentrés du Mexique où se jouait la coupe du monde de football des cadets ? La position de Mme Bado est également incertaine. On la signale depuis des semaines en Côte d’Ivoire. D’autres sources pensent qu’elle est rentrée, mais elle se cacherait quelque part à Ouagadougou pour ne pas répondre aux deux dossiers déposés contre elle au parquet.
Le premier dossier a été déposé par le bureau de l’APE et le second par le pensionnaire Pascal Thiombiano de nationalité togolaise. En plus des 350 000 f cfa pour intégrer le centre, elle lui a pris 437 000 fcfa au motif de lui établir des papiers pour aller en Angleterre faire un test dans un club dont elle n’a pas précisé le nom. Son père a emprunté l’argent pour donner à la dame. Quatre autres parents d’élèves sont tombés dans le piège. Elle avait promis de rembourser au plus tard le 31 mai dernier. Mais elle ne s’est pas exécutée et le dossier a été transféré à la justice. Tous les regards des parents et des enfants se tournent désormais vers la justice pour voir quelle suite elle va donner à ces dossiers.
Par Idrissa Barry
L’Evénement
Le centre de Mme Bado née Ouédraogo Haoua se trouve à Zékounga, un village situé à la périphérie nord-ouest de Ouagadougou. C’est dans cette localité qui dispose encore de quelques champs que la dame Bado a eu un terrain d’environ 600 m2 pour ériger son centre de football dénommé Béog-kamba (littéralement en moré "les enfants de demain"). Dans la cour, se dressent trois bâtiments : deux servent de dortoirs et un tient lieu de réfectoire. Les deux bâtiments dortoirs se regardent face à face, séparés d’environ deux mètres, à l’image de certains célibateriums de nos villes. Chaque bâtiment a 10 dortoirs de 4 lits chacun. La capacité d’accueil est donc de 80 pensionnaires. Mais en octobre, le centre abritait officiellement 93 enfants. En février, ils étaient 108 pensionnaires.
Le bâtiment qui sert de réfectoire n’est pas achevé. Il n’a pas de plafond et n’est pas crépis. Il y a 6 douches et une seule latrine. Il n’y a pas de forage dans la cour. Pas d’électricité. Il n’y a pas non plus de terrain d’entrainement ; les pensionnaires négocient le terrain du village situé à 2km de leur lieu d’hébergement. La clôture du centre n’est pas achevée. Il n’y a pas de salles de classe ni pour les enfants du primaire ni pour ceux qui doivent faire le secondaire. Pourtant, Mme Bado a encaissé plus de 40 millions f cfa et c’est un tel centre qui a accueilli les enfants pendant sept mois (d’octobre 2010 à avril 2011). En mars, les enfants ont commencé à déserter le centre par petit groupe avant qu’il ne se vide définitivement en début mai.
Le fonctionnement du centre a connu plusieurs défaillances bien avant l’accueil des enfants sur le site. C’est un véritable feuilleton qui continue d’opposer les parents des enfants à la fondatrice. Une année blanche pour de nombreux élèves qui se retrouvent avec des moyennes à faire frémir les parents. L’affaire est en justice depuis plusieurs mois. Après avoir séjourné quelques jours à la maison d’arrêt de Ouagadougou, l’accusée qui a bénéficié d’une liberté provisoire ne répond plus aux convocations de la justice. Ses numéros connus ne répondent plus. Son bureau est hermétiquement fermé. Aux dernières nouvelles, elle serait en Côte d’Ivoire. L’histoire du centre de Mme Bado est une succession de mensonges et d’arnaque. La question que les victimes se posent, c’est pourquoi a-t-on laissé faire une telle forfaiture ?
Le feuilleton commence en mars 2010. Des messages sont passés sur deux chaines de télévision, la télévision nationale du Burkina (TNB) et SMTV. A la TNB, c’est pendant l’émission "magazine des sports" qu’un message défile en bas de l’écran. Sa teneur est simple, il annonce l’ouverture dès la rentrée 2010-2011 d’un centre de football de type "sport et études". Sont admis, les élèves dont l’âge est compris entre 7 et 16 ans.
Les parents d’élèves intéressés sont priés de passer au stade municipal pour "de plus amples informations". Ces informations complémentaires sont les suivantes : pour passer le test de sélection, chaque enfant doit payer 10 000 f cfa ; les frais de scolarité s’élèvent à 300 000 f cfa ; les frais d’équipement sportif à 37 000 f cfa ; la ration alimentaire mensuelle à 25 000 f cfa pendant dix (10) mois. Les frais de scolarité ne sont plus payés jusqu’à ce que l’enfant quitte le centre à l’âge de 20 ans. A Bobo-Dioulasso, le recrutement a eu lieu en juillet. Les conditions sont légèrement différentes. Les frais de scolarité passent à 350 000 f cfa. A partir de 2011-2012, en plus de la ration alimentaire qui coûte 25000f/mois, chaque pensionnaire doit payer 100 000 f cfa chaque année. La promotrice n’a pas dit à quoi correspond cette somme et pourquoi ce sont seulement les pensionnaires venus de Bobo qui sont astreints à ce paiement. Dans la capitale, il y a eu un réel engouement des parents. Des centaines d’enfants se sont présentés au stade pour le test.
Tous ont payé les 10 000 f cfa. C’est une véritable compétition qui a départagé les postulants. A Bobo, il n’y a pas eu de test parce que beaucoup de parents étaient offusqués par les conditions de la dame. Au départ, elle avait fixé les frais à 800 000 f cfa. Ce qui a découragé beaucoup de parents d’élèves. Au total, à la rentrée en octobre, ils étaient 93 pensionnaires venus de Ouaga, de Bobo et d’autres villes du Burkina à intégrer le centre à Zékounga, situé à la périphérie de Ouagadougou, sur la route de Ouahigouya. Parmi les 93 pensionnaires du centre, il y avait également deux Togolais et un Nigérien. En janvier 2011, trois autres jeunes (deux Ivoiriens et un Burkinabè) viendront de la Côte d’Ivoire rejoindre les autres.
Les deux Togolais et le Nigérien ont payé chacun 350 000 f cfa pour les frais de scolarité alors qu’ils ne fréquentaient pas, 35 000 f cfa pour l’achat des équipements sportifs qu’ils n’ont jamais eu à l’instar des autres pensionnaires nationaux, 400 000 f cfa pour de prétendus frais de papiers pour aller faire un test dans un club anglais. Ils n’ont jamais vu les papiers, encore moins un billet de voyage pour le pays de Beckham. Les trois derniers venus (de la Côte d’Ivoire) n’ont rien payé. La promotrice leur a promis de les faire jouer dans son club qui évoluerait en deuxième division. Pourtant, elle n’a pas un club masculin qui évolue à ce niveau de compétition. Elle avait un club féminin qui est en hibernation depuis plusieurs saisons. Les trois jeunes sont toujours à Ouagadougou dans l’attente.
Faux tournoi de San Pedro : les premiers signes inquiétants
Les défaillances ont commencé bien avant que les enfants n’intègrent le centre le 20 octobre 2010. Du 6 au 16 septembre, les enfants de Ouagadougou au nombre de 63 sont convoyés à San Pedro en Côte d’Ivoire pour un tournoi. La fédération burkinabè de football et le ministère des sports ne sont pas officiellement informés du voyage. Mme Bado estime qu’elle est bien connue dans le milieu, par conséquent elle n’a pas besoin de demander une autorisation pour le voyage. Elle a travaillé effectivement comme secrétaire au ministère des Sports pendant des années. Elle ne se prive pas non plus de vanter son amitié avec l’actuel secrétaire général de la Fédération burkinabè de football, M. Emmanuel Zombré. Elle a créé dans les années 90 un club féminin de football dénommé "l’Association Sportive les Intrépides de Ouagadougou (ASIO)". Depuis 2002, ce club ne fonctionne plus.
Avant le départ pour San Pedro, chaque parent a déboursé 50 000 f cfa par enfant. Elle a donc empoché 3 150 000 f cfa. Elle a exigé que chaque enfant vienne avec une boite de lait en poudre. Ce qui a servi de faire le petit déjeuner lors du séjour ivoirien. Elle aurait loué le car de son oncle à 700 000 f cfa alors que les parents souhaitaient que les enfants voyagent avec une compagnie sûre. C’est l’entraineur des enfants, Lassina Sawadogo, un professeur d’éducation physique au lycée municipal de Sigh-Noghin qui a conduit la délégation. Ils quittent Ouagadougou le 6 septembre avec un car dont l’état physique n’inspire déjà pas confiance. Arrivé à Sabou, 50 km de Ouaga, il tombe en panne. Ils passeront des heures sur place. Quand il redémarre, ils n’arriveront pas à Bobo avant que les ennuis ne recommencent. Ils sont obligés de passer leur première nuit sur le territoire burkinabè. La chance ne va pas les sourire non plus sur le sol ivoirien. Les pannes se multiplient sur le trajet. A Katiola, c’est le terminus. Le car s’est totalement bloqué. Il ne démarre plus. Il était à bout. C’est coincés dans un mini car que les 64 arrivent à San Pedro. L’encadreur n’en revient pas : " Le car était un véritable cercueil roulant. J’étais très inquiet. " La cour où ils sont descendus n’était pas rassurant non plus. Les enfants racontent qu’ils ont été très mal hébergés. " On était dans une cour sans eau. C’est de dehors qu’on nous envoyait l’eau.
Ça nous suffisait pas. On ne se lavait pas tous les jours. Les dortoirs étaient sales. On dormait à 5 sur un matelas. On mangeait généralement une fois, soit à midi, soit le soir.", témoigne un enfant qui a fait partie du voyage. Il raconte que c’est le lait en poudre payé par les parents qui servait pour faire le petit déjeuner. L’argent de poche de certains enfants a été volé pendant qu’ils étaient au terrain pour les matchs. La cour n’a pas de porte et pas de gardien non plus. Ils ont l’impression que c’est une cour abandonnée. Le tournoi s’est réduit à un match pour l’équipe minime et deux matchs pour les cadets. Les enfants sont rentrés le 16 septembre très amaigris, selon le président de l’association des parents d’élèves, Dr Balma Lucien qui affirme que les parents avaient demandé que les enfants voyagent par TCV, mais la promotrice a plutôt fait confiance au car de son " oncle ".
Une rentrée calamiteuse au centre
Pour intégrer le centre, d’autres sacrifices sont demandés aux parents. Chacun doit envoyer un matelas et un seau pour son enfant. Elle a fixé sa rentrée le 10 octobre. A cette date, les parents se retrouvent avec les enfants portant leurs matelas et seaux au stade municipal. Séance tenante, elle leur dit que le centre n’est pas encore prêt, il faut encore patienter jusqu’au 20 octobre. Elle promet qu’à cette date, tout sera prêt. Le 20 octobre, les parents et les enfants se transportent de nouveau au stade. Ils vont attendre de 15h à 18h avant de démarrer. Ils arrivent au centre à 20h. "Il faisait noir dans le centre. Avec ce que nous allions voir par la suite, j’ai compris pourquoi elle ne voulait pas qu’on vienne dans la journée. Les bâtiments étaient inachevés, il n’y avait pas de commodité ; pas d’eau et de courant. Nous avons compris tout de suite que c’est avec notre argent qu’elle a commencé la construction de son centre. ", déclare le président des parents d’élèves, Dr Balma.
Le gardien du centre que nous avons rencontré confirme que c’est en juin 2010 que les travaux de construction ont commencé. C’est surtout en septembre qu’ils vont s’accélérer. Avant cette date, la dame avait encaissé l’argent de la moitié des pensionnaires, selon le bureau de l’Association des parents d’élèves. Mme Bado, elle, se justifie en ces termes dans le journal Le Pays du 7 avril dernier : "Je croyais effectivement finir la construction du centre avant la rentrée mais ça n’a pas été le cas et j’ai convoqué à quatre reprises les parents pour exposer le problème. Ils ont tous été d’accord pour qu’on effectue la rentrée le 20 octobre en attendant la fin des travaux. Pour les dortoirs, j’avais commandé des lits et des matelas et jusqu’à présent, la commande n’est pas arrivée." A qui a-t-elle passé commande et pourquoi n’arrive-t-elle pas plusieurs mois après ? Elle ne donne aucune précision.
Un gâchis scolaire pour les enfants
Mme Bado a pris aux parents du jeune Togolais ( Pascal Thombiano) 437.000.CFA au motif de lui trouver un Club en Angleterre Côté études des enfants, tout le monde reconnait que ça été une catastrophe. D’abord, les enfants ont accusé un énorme retard. La dame avait promis le 10 octobre qu’il n’y aurait pas de soucis le 20 octobre. Mais une fois les enfants au centre, les parents se sont rendu compte que la promotrice n’avait entrepris aucune démarche pour trouver de places pour leurs enfants. Somé Dieudonné, pensionnaire venu de Bobo-Dioulasso raconte : "Quand on est venu le 20 octobre, on a fait plus de deux semaines avant d’aller à l’école. On nous a rien dit par rapport à ce retard." Il devait faire la classe de 3ème. C’est l’encadreur sportif qui, constatant que les enfants ne partaient pas en classe, a négocié avec deux établissements secondaires, le Lycée municipal de Sig-Noghin où il travaille et le collège Wend Lamita pour inscrire les enfants. "J’ai usé de mes relations pour avoir des places pour eux dans ces deux établissements. J’ai tenu à ce qu’il y ait des contrats entre ces établissements et la promotrice.
C’est ce qui a été fait et j’ai pu commencer les entrainements." Au lycée municipal, il y avait 15 élèves et au Collège privé Wend Lamita, ils étaient au départ 52 élèves. "C’est Lassina [le coach] qui a fait venir la dame chez moi pour négocier les places. On a signé un contrat pour les 52 élèves à hauteur de 50 000 f cfa par élève. Cela fait 2 millions 600 000 f cfa. C’est une faveur que je lui ai faite car normalement, c’est 96 000 f cfa par élève. Elle m’a donné d’abord 200 000 f cfa et elle a disparu. Je l’ai appelé fatigué pour qu’elle me règle le reste, mais elle ne venait pas. C’est un jour qu’elle est venue donner encore 200 000 f cfa et c’est tout. Ses numéros ne marchent plus. Par pitié pour les enfants, j’ai dit aux surveillants de laisser les enfants continuer leurs études.", raconte El hadj Souleymane Sawadogo, le fondateur du collège Wend Lamita de Tampouy. Au lycée Municipal, de sources sûres, elle n’aurait pas non plus épongé ses dettes. Mme le proviseur n’a pas souhaité nous confirmer cette information ainsi que d’autres précisions ( l’assiduité des enfants, leur rendement entre autres). Elle dit ne pas vouloir se mêler de cette "histoire".
Parmi les 7 élèves du centre qui faisaient la 3ème, aucun n’a réussi à l’examen du BEPC. Ce qui n’est pas surprenant avec les conditions qu’ils ont endurées. Le groupe électrogène du centre tombaient régulièrement en panne et pouvait rester des jours sans réparation. Les élèves n’ont pas de salle d’étude. C’est au réfectoire ou dans les dortoirs qu’ils bossent au milieu d’autres enfants qui ne fréquentent pas. Pour le transport vers leurs établissements respectifs, la promotrice a loué un car. Le car transportait uniquement les élèves du secondaire ; ceux du primaire (28 au total) partaient à pied. Ils ont également beaucoup souffert car ils ont dû faire trois écoles en l’espace de six mois parce que la promotrice n’honorait pas ses engagements. "Au début, on se réveillait à 5h pour attendre le car vers 6h00. Au fil du temps, il venait vers 7h00, ce qui fait qu’on partait en retard. Il y a des jours où il ne venait pas du tout. On ne savait vraiment pas si le lendemain on allait partir ou pas.", témoigne Aziz.
Le surveillant du collège Wend Lamita, M. Keita, confirme : "On avait des difficultés avec les enfants de ce centre. Ils venaient trop en retard et il y avait également trop d’absence. J’ai été visiter le centre et je me suis rendu compte qu’il n’était pas du tout approprié pour les études. Le cadre ne s’y prête pas. Je constaté aussi qu’il y avait des enfants non scolarisés qui prenaient le car avec les élèves inscrits dans notre établissement. Ils venaient ensemble et à la récréation, les élèves sortaient les rejoindre et certains ne revenaient plus suivre les cours ".
Au premier trimestre, beaucoup d’élèves se sont retrouvés avec des moyennes en dessous de 6. Josias Balma, le fils du président de l’association des parents d’élèves qui a fait la 6ème, a eu 5/20 comme moyenne alors qu’au CM2, il avait 6, 94/10 comme moyenne générale. Somé Dieudonné a intégré le centre avec une moyenne générale de 13/20 en classe de 4ème. Au premier trimestre, il a seulement composé deux devoirs et s’est retrouvé avec 2/20 comme moyenne. Son copain a, lui, eu 6/20. Au deuxième trimestre, il a dégringolé à 2/20 et le troisième trimestre, aucun n’a composé. Au collège privé, sur les 52 inscrits, 36 vont terminer l’année scolaire. En effet, à partir de mars, le car ne venait plus. Les élèves ont fait des jours sans aller en classe. Il faut souligner que la distance qui sépare le centre du premier établissement (Wend lamita) est d’au moins 10 km. Deux taxis vont remplacer le car. " Non seulement ils ne venaient pas à l’heure indiquée (6h00), mais ils ne faisaient que deux tours. Dans chaque taxi, il y avait 2 devant, 5 derrière et 3 dans le coffre. Malgré tout ça, d’autres ne gagnaient pas la place et étaient obligés de rester au centre ", affirme Alexis, élève au Lycée municipal.
Sur le plan alimentation, la situation était également déplorable. Les enfants se plaignaient de la nourriture. Non seulement, le menu n’est pas varié à leur goût, mais les femmes commises à cette tâche ne s’exécutaient plus comme il se devait parce qu’elles accusaient des arriérés de paie. Elles ont fini par abandonner et remplacées par des femmes du village qui se débrouillaient avec une cuisine sur les 3 pierres, faute de gaz. La situation est davantage compliquée par l’absence de forage dans le centre. L’hygiène des enfants laissait à désirer. Les plus grands des enfants doivent aller chercher l’eau pour se laver. Pour les tout petits, ce sont deux femmes qui devaient s’occuper d’eux, mais comme elles n’étaient pas payées régulièrement, elles venaient quand elles voulaient. Les petits ne se lavaient donc pas tous les jours au point que certains étaient refoulés de leur classe par certains professeurs. La ration alimentaire n’était pas à la hauteur des 25 000 f /mois payés par les parents. " On mangeait mal. Le matin, on nous servait du café sans lait ou sans pain. A midi, c’est soit du riz sauce clair soit du spaghetti et le soir, c’est parfois le reste du menu de midi qu’on nous donnait. C’était vraiment pénible.
Le problème, c’est que même avec ton argent de poche, tu ne peux pas acheter à manger car la ville est très loin. ", raconte Pascal Thiombiano, un des délégués des pensionnaires. " J’ai tué deux serpents dans les douches ", témoigne Pascal Thiombiano. Pour justifier ces conditions de vie et d’études, la promotrice jure que c’est parce que " il y a des parents qui ne sont pas à jour de leurs cotisations… " Selon nos sources, pièces à l’appui, en décembre 2010, sur les 93 inscrits officiellement en octobre, 71 élèves étaient à jour (frais de scolarité, équipement de sport et ration alimentaire). A cette date, elle avait encaissé plus de 25 millions. Les autres parents d’élèves non à jour avaient pour la plupart régler plus de la moitié de ce qu’ils devaient, selon les membres du bureau de l’APE qui ont fait de la sensibilisation dans ce sens. Avec cet argent, elle n’a ni payé la scolarité des enfants ni les équipements sportifs. Ce sont encore les parents qui ont payé la tenue scolaire pour leurs enfants. Un des proches de la dame avec lequel elle a monté le projet nous confie que le problème ne se situait pas au niveau de l’entrée des cotisations.
Il soutient que " l’argent était là ". " Le problème, c’est qu’elle a multiplié ses dépenses. Elle a ouvert un salon de coiffure dont le local lui coûtait mensuellement 150 000 f cfa et elle a payé 2 motos pour ses enfants. ", affirme cette source proche de la dame.
" Béog-kamba ", un centre illégal cautionné par la FBF
Le centre est manifestement illégal. Il n’est reconnu par aucune des structures qui s’occupent du Sport. Un centre de football reconnu est normalement affilié à la ligue d’où il est implanté. A la ligue de centre de football, on ne reconnait pas avoir reçu une demande d’affiliation émanant de Mme Bado pour ouvrir un centre dénommé " Béog-Kamba ". Le secrétaire général de la Ligue nationale de football est également formel : " Son centre n’est pas affilié à la ligue nationale, donc il n’est pas reconnu par la FBF. " Il reconnait qu’il y a une grande pagaille dans l’ouverture et la gestion des centres de football au Burkina. Pour un centre " sport et études " avec le système d’internat, l’avis de certains services de l’Etat est indispensable avant son ouverture. Il faut dans ce cas l’autorisation des ministères des Enseignements, de la santé et de l’Action sociale. Aucun de ces ministères n’a été informé de l’existence du centre de Mme Bado. En revanche, le ministère des Sports a été officiellement informé de l’ouverture du centre.
Dans une lettre datée du 23 septembre 2010, la fondatrice informait le ministre Jean-Pierre Palm de " l’ouverture de mon centre de formation de football ". La lettre a été réceptionnée par Mlle Victoire Sib du cabinet du ministre. La FBF était également au courant de l’existence du centre. La preuve, son secrétaire général a inclus le centre " Béog-Kamba " parmi les clubs et centres de formation sport et études retenus pour le championnat national minime 2010-2011. Cette décision a été prise le 21 janvier 2011. Comme le centre n’est pas affilié officiellement à la FBF, c’est sous le couvert des " Intrépides ", le club féminin disparu depuis 2002 que le centre est invité par le SG de la FBF à faire partie des nominés pour participer au championnat. Quand elle envoyait les enfants souffrir à San Pedro, elle aurait informé, de source sûre, le SG de la FBF. Elle laissait entendre qu’elle n’a pas besoin d’une autorisation pour ce voyage comme le stipule les règlements en la matière car, estime-t-elle, tout le monde la connait dans le milieu des sports.
Quand les parents d’élèves ont commencé à se plaindre des conditions dans le centre, elle aurait dit que c’est inutile d’aller se plaindre à la FBF car, de toutes les façons, elle n’aurait rien à craindre à ce niveau. "Le SG me rend compte de toutes vos discussions avec lui", a-t-elle confié aux membres de l’APE. Nous avons tenté à plusieurs reprises de joindre le SG de la FBF et le directeur technique national (DTN), mais leurs téléphones ne répondaient pas. Notre dernière tentative date du 8 juillet. N’étaient-ils toujours pas rentrés du Mexique où se jouait la coupe du monde de football des cadets ? La position de Mme Bado est également incertaine. On la signale depuis des semaines en Côte d’Ivoire. D’autres sources pensent qu’elle est rentrée, mais elle se cacherait quelque part à Ouagadougou pour ne pas répondre aux deux dossiers déposés contre elle au parquet.
Le premier dossier a été déposé par le bureau de l’APE et le second par le pensionnaire Pascal Thiombiano de nationalité togolaise. En plus des 350 000 f cfa pour intégrer le centre, elle lui a pris 437 000 fcfa au motif de lui établir des papiers pour aller en Angleterre faire un test dans un club dont elle n’a pas précisé le nom. Son père a emprunté l’argent pour donner à la dame. Quatre autres parents d’élèves sont tombés dans le piège. Elle avait promis de rembourser au plus tard le 31 mai dernier. Mais elle ne s’est pas exécutée et le dossier a été transféré à la justice. Tous les regards des parents et des enfants se tournent désormais vers la justice pour voir quelle suite elle va donner à ces dossiers.
Par Idrissa Barry
L’Evénement