Amado a-t-il remis le bâton au petit ? Nabi a-t-il reçu son coup ? Vous le saurez bientôt dans la seconde partie où Nabi se « wacke » contre les coups de fusil, les morsures de serpents et les agressions d’animaux sauvages. Telle était la conclusion de la première partie du feuilleton Nabi se wacke.
Après plus de deux mois sans humour à vous partager et cela dû à mes nombreuses occupations je tiens d'abord à m'excuser sincèrement auprès de ceux et celles qui restent et demeurent constamment branché(e)s à la fibre comique! C'est aussi l'occasion pour moi de souhaiter, quoique tardivement, à tous et à toutes une bonne et heureuse fête de l'Assomption. Ainsi donc, après avoir honoré ensemble notre Bienheureuse Mère la Vierge Marie, je vous invite à déguster un pan des facettes de la vie quotidienne dont Ouagadougou la belle capitale du Burkina Faso en raffole. Cette scène intitulée Nabi se wacke - deuxième partie fait suite à la première que vous avez du reste déjà dégustée et cela depuis le 14 mai 2012. A la fin de cette histoire une dame est honorée et au-delà d’elle, son mari et toute la gente féminine ! Et cela suite aux indélicatesses et maladresses d’un colporteur qui pensant s’être immunisé par son wack contre tout, pouvait venir à bout de tout y compris la femme ! Bonne lecture.
Nabi se « wacke ». Seconde partie
Amado était surpris par cette injonction. Il fit un geste de rappel au petit, lui remis le bâton et fila se cacher dans les fourrés.
Le précautionneux Nabi se racla bruyamment la gorge et sortit. Il reçut un coup sec sur le genou et précisément sur la rotule. Ce coup apparemment anodin l’envoya pourtant rouler par terre au grand bonheur d’Amado le géant qui se marrait depuis sa cachette ignorant tout du réflexe rotulien qui a terrassé Nabi. Ce dernier se releva, boitilla un moment et sans broncher, sans se retourner il prit la direction de sa maison. Une fois à l’intérieur de sa case il murmura quelques mots accompagnés de gestes rituels et ressortit à « reculons ». Il resta immobile un moment, le temps de repérer de la fumée. Dans une cour attenante à la sienne s’élevait une fumée. Il s’y introduit sans crier gare, fonça directement sur le feu, prit quelque braises à l’aide d’un pot usager et repartit en direction de la brousse d’où il était venu, au grand étonnement des occupants de la cour qui ne comprirent pas le comportement de Nabi. Une fois en brousse il mit le feu à la hutte où eut lieu son rituel de « wackage », laquelle consuma totalement. Maintenant qu’il était « wacké », il pouvait rentrer chez lui, il pouvait s’exprimer !
Le lendemain Nabi retourna chez le wackman pour lui dire merci et lui présenter son dû. Celui-ci tint à Nabi ce langage : « Garde-toi de la lâcheté ! Garde-toi de surprendre l’homme, particulièrement et essentiellement ton opposé, mais sache que tout homme qui te surprend sera vaincu ! Garde-toi, te dis-je de t’en prendre à ton opposé !».
Nabi a-t-il saisi le message du wackman ? A-t-il compris le sens de son «opposé » ? Le parcours de Nabi nous situera.
Nabi eut plusieurs mésaventures, il avait des marques de coups de couteaux, de gourdins un peu partout sur le corps. De ces mésaventures Nabi a toujours eu le dessus. Personne n’osait l’affronter même de jour. Il était redouté, craint et respecté dans son village Bass’Bouré et ceux environnants. Plusieurs familles, pour s’attirer la sympathie de Nabi lui offrirent leurs filles en mariage à tel enseigne qu’en plus de ses conquêtes personnelles, Nabi, à peine la trentaine entamée avait un sérail composé de huit femmes. Dès lors, Nabi se prit pour un surhomme. Au fil des ans il devint arrogant, envahissant, insupportable et provocateur.
Redouté dans son village, Nabi se prenant pour un conquérant entreprit de faire voyager sa renommée. Il décida de faire un tour dans le village de Pawamtoré, histoire de tâter le pouls de ce village lointain au nom non moins rocambolesque que ses bagarreurs. Nabi s’y aventura donc. C’était un jour de marché. Alors que l’astre du jour culminait au zénith, Nabi tout de traditionnel vêtu, coiffé d’un bonnet rouge pourpre et chaussé de babouches de couleur jaune-ocre, fit son apparition dans une démarche altesse. Un griot le reconnut, vint à sa rencontre, fit une génuflexion et entama aussitôt un récital de l’arbre généalogique de Nabi au son de son instrument, le Lunga. Bientôt une horde de jeunes, garçons comme filles se bousculaient pour voir le redoutable Nabi de Bass’Bouré.
Nabi était aux anges ! Il fit un tour du marché, s’arrêta par moment, scruta autour de lui afin de jauger l’impression qu’il dégageait. Tout autour de lui la foule gonflait, admiratrice, conquise et stupéfaite. Nabi était là, en chaire et en os ! Ah, comme c’est sublime d’être un « dieu » !
Mais Nabi n’était pas Dieu. Il était juste un humain. Et les humains ont des besoins physiologiques que les dieux (ou esprits) n’ont pas ou n’éprouvent pas. Nabi eut donc soif ! C’est pourquoi il se dirigea vers le bar le plus animé de Pawamtoré afin d’y étancher sa soif. La horde des jeunes prit d’assaut le bar Delwendé afin de consommer par la vue le fameux Nabi. Il fut royalement accueilli, honoré et installé par un serveur qui se tint juste à ses côtés afin de s’enquérir de ses désirs. Contre toute attente, face à la courtoisie et à l’insistance du serveur, Nabi l’envoya paître. D’un mouvement de la main il intima le silence au quémandeur circonstanciel qui l’avait accosté depuis son arrivée et accompagné jusque dans le bar, le griot.
Nabi fixa et dévisagea une dame assise non loin de sa table et s’exclama: Eh toi là-bas, la dame-là, c’est toi qui va me servir ! La dame demeura imperturbable. Elle était assise avec quelqu’un. Elle était avec son mari. Nabi toisa à nouveau la dame et tonna. Mais madame resta indifférente. Face à ce mépris inconsommable Nabi, le grand Nabi, craint, redouté, puissant et conquérant se leva, vociféra et vint se dresser devant la dame. Il lança un regard méprisant et glacial vers le monsieur assis à côté de la dame. Nabi questionna : madame, êtes-vous sourde ou quoi?
La dame fit l’étonnée et lança un regard interrogateur à son mari. Ce dernier, à la stature frêle, dans un mouvement plein d’assurance dosé d’un calme olympien invita Nabi à rejoindre sa place et se faire servir par les personnes commises à cette tâche. Nabi prit cette invite comme de la provocation et le calme du monsieur comme de la faiblesse. Mais ne dit-on pas que l’arrogance précède la chute ?
Nabi, piqué dans son amour propre leva la main afin d’administrer une claque mémorable à la dame. Mais contre toute attente on vit Nabi voltiger et venir s’affaler sur son postérieur. La dame dans un geste éclair venait d’administrer à l’impoli Nabi un coup de karaté, juste un coup de main et non de couteau, mais un coup de main magistrale, bien dosé et placé où il faut. Tout le brouhaha du bar s’arrêta net. Un spectacle d’un genre nouveau mérite l’attention. Nabi se releva, sans bonnet et sans babouches. La dame était toujours là, assise, imperturbable mais cette fois-ci en culotte et débarrassée de son pagne impropre à cette gymnastique inattendue. Dans cette tenue sublime, la dame était angélique ! Tel un taureau blessé aux naseaux fumants, Nabi se cabra et bondit à nouveau sur la dame. Peine perdue ! Dans un mouvement époustouflant de reins suivi d’un croc-en-jambe légendaire, la dame propulsa le tonitruant Nabi qui, emporté dans son élan arracha au passage un jeune papayer en floraison et alla finir son trajectoire dans un tas de caisses vides stockées dans un coin.
Bientôt le marché se vida et vint au bar. Personne ne voulait se faire conter cet événement. Et personne, pas même les rares anciens qui étaient là n’osèrent intervenir tant le spectacle était alléchant.
Le beau et robuste Nabi tout couvert de poussière, s’arma de sa main gauche une bouteille à moitié brisée et de la droite un poignard qu’il sortit de son pantalon bouffant aux couleurs torrides. Maintenant ses intentions sont claires : tuer !
Aux grands maux, les grands remèdes ! Le mari d’un mouvement vif refoula son épouse et se tint sur le chemin de Nabi avec au poing un pistolet calibre 12. A la vue de l’arme Nabi recula, marcha sur un pneu usager, culbuta et tomba à la renverse, provoquant l’hilarité générale. Il se releva promptement, lança un regard éclair tout autour et repéra un pan du mur non achevé. C’est par ce passage providentiel que Nabi prit ses jambes à son cou, accompagné d’un tintamarre de rires et de moqueries.
Le propriétaire du bar Delwendé était subjugué par l’exploit de la dame. Il vint féliciter le couple et se chargea de prendre à ses propres frais tous leurs achats. Il demanda à connaître le nom de la dame avec la permission de monsieur. Celui-ci lui répondit avec allégresse que son épouse se prénomme Paliing’Wendé. Alors le maître des lieux s’adressant à la foule encore massée et pleine d’admiration pour ce couple exceptionnel, lança : « à partir d’aujourd’hui je change le nom de mon bar ! Désormais il s’appellera Paliing’Wendé en mémoire à la bravoure de cette femme ! ». Un applaudissement nourri accompagna cette déclaration.
Pour la première fois Nabi venait d’être vaincu ! Ses habits étaient méconnaissables et son bonnet splendide de même que ses babouches s’étaient envolés. Comment alors rentrer de la sorte le jour et supporter le regard, voire les questionnements de ses épouses ? Nabi ce jour-là rentra très tard.
Une fois dans sa case Nabi entreprit de se débarrasser de ses habits. Il retira, non sans difficultés son pantalon qui restait étonnamment collé à ses fesses. Nabi fut intrigué. Une odeur fétide et insupportable se dégageait de son pantalon. Le grand Nabi constata l’incroyable et murmura : « Nabi a chié ! »
Nabi mit méticuleusement ses habits dans un sac, demeura songeur un moment et se questionna : qui va laver mes habits ? En tout cas il n’était pas question de confier cette tâche à une quelconque de ses femmes. Un jour de bagarre et le secret est dehors ! C’est pourquoi Nabi confia secrètement ce besogne à une de ses confidentes, sa très respectée et vénérée grande sœur. Le linge sale se lave en famille !
Nabi, depuis ce jour, se levait très tôt et rentrait très tard ; il fréquentait d’autres contrées aux regards supportables. Nabi consulta néanmoins son wackman afin de s’assurer de l’état de son wack. Il fut surpris de constater que le wackman était informé de sa déconfiture à Bass’Bouré. Le wackman assura Nabi que son wack était toujours efficace. Seulement il avait enfreint un principe : « Garde-toi de t’en prendre à ton opposé ». L’opposé de Nabi en tant qu’homme n’était pas son adversaire mais la femme, toute femme, celle qui te met au monde : il faut la respecter, la vénérer. Et là Nabi n’avait rien saisi. Il l’apprit à ses dépens.
Certes, Nabi a perdu une bataille mais pas la guerre. La vie c’est la guerre et Nabi se promit de gagner cette guerre. Et pour commencer Nabi jura et se promit de se wacker contre les coups de fusil ! En réalité Nabi était intrigué par sa propre réaction face à ce pistolet pointé sur lui. Il fut désarmé à cet instant et son sphincter lâcha d'où les excrétas dans son pantalon. Il n’avait jamais auparavant éprouvé une peur pareille.
Et Nabi allait se wacker contre les coups de fusils toutes catégories confondues : Long rifle, Baïcal Amour, Canon scié, Calibre 12, Winchester, Mass’36, G3, Kalachnikov, RPG7, Bazouka, etc.
Affaire donc à suivre…