« Je suis venu de mon propre gré pour jouer avec les Etalons »
Il a été sollicité depuis 2003 pour porter la tunique des Etalons du Burkina. Il n’avait que 21 et avait décliné l’offre préférant se consacrer à son club d’alors, l’Olympique de Marseille. Aujourd’hui, du haut de ses 27 ans (l’âge de la maturité), c’est un Habib Bamogo, volontaire et motivé qui a décidé de son propre gré de venir porter les couleurs nationales. Dans cet entretien qu’il nous a accordé à l’issue du match Burkina # Côte d’Ivoire, l’enfant de Pissila n’a qu’une seule envie : apporter sa contribution à la réussite du onze national. Le Franco-burkinabè revient également sur certaines allégations qui ont été racontées à son sujet.
Tu as suivi le samedi 20 juin dernier, le match Burkina # Côte d’Ivoire comptant pour la troisième journée des éliminatoires combinées de la CAN et du Mondial 2010. Comment as-tu trouvé cette rencontre ?
• J’ai assisté à un beau match et j’aurais aimé que les Etalons arrachent au moins un nul au vu de ce qu’ils ont fourni sur le terrain. Franchement dit, ils ont tout donné et j’ai aimé leur prestation. Mais comme les autres, je suis déçu du résultat. On avait en face une bonne équipe de la Côte d’Ivoire qui a des joueurs de niveau international. C’est une référence au niveau du football africain et il faut oublier cette défaite pour préparer les autres matches.
Selon toi, qu’est-ce qui n’a pas réellement marché à notre niveau ?
• On avait tout ce qu’il fallait pour obtenir un bon résultat, mais les Ivoiriens avaient l’expérience avec eux et c’est sur des détails qu’ils ont fait la différence. La chance nous a manqué ; quand je revois la frappe de Wilfried sur le montant et l’action de Pitroipa qui aurait pu faire mouche. Il y a eu aussi l’auto-goal qui est venu confirmer que la chance n’était pas avec nous.
Avec cette défaite, penses-tu que le chemin qui mène au Mondial est complètement bouché ?
• Mathématiquement, tout est possible dans ce groupe E. La Côte d’Ivoire est certes le grand favori, mais le tournoi n’est pas terminé. Nous avons un autre match à Abidjan et pour des gens, il est impossible qu’on fasse un résultat là-bas. Mais nous sommes des compétiteurs et nous allons tout faire pour ramener quelque chose. Le Burkina est toujours dans la course même si la Côte d’ivoire a trois points d’avance.
L’instance mondiale du football lors de son 59e congrès a donné son accord pour que les joueurs binationaux intègrent la sélection nationale de leur pays. On attendait Bamogo pour ce match et il n’était pas sur la liste des 18. Tu n’étais pas prêt ou est-ce qu’il y avait un problème ?
• Il y a des lois qui font qu’on ne peut pas faire n’importe quoi. Vous savez, personne n’est au dessus des lois et il faut les respecter. En fait, après la décision de la FIFA, il fallait attendre 60 jours pour qu’elle soit homologuée. C’est pourquoi je ne pouvais pas jouer ce match.
On se rappelle que du temps où Seydou Diakité était le président de la Fédération burkinabè de football (FBF), il y a eu des démarches pour que tu viennes jouer avec la sélection nationale. On a longtemps attendu ta réponse qui n’est finalement pas venue. Est-ce qu’il y avait un problème particulier ?
• Il n’y avait pas de problème particulier et à l’époque j’avais 21 ans. Un âge où il faut être entouré avant de prendre des décisions. Et puis, je venais de signer à Marseille, dans ma tête j’avais l’ambition de me concentrer avec mon nouveau club. Vous savez, je voulais d’abord me stabiliser avant de penser à une sélection. Si ça ne se passe pas bien dans mon club et que je vais jouer une CAN, il se peut qu’au retour les choses se compliquent. C’est pourquoi, j’avais besoin de réussir. Aujourd’hui, c’est de mon propre gré que j’ai décidé de venir jouer avec les Etalons et cela avait germé dans ma tête depuis deux ans. Cela fait deux ans que je suis à Nice et cette année tout s’est bien passé pour moi. Je suis bien dans ma peau et je pense avoir retrouvé toutes mes sensations. Je vous dis qu’aujourd’hui, je sais ce que je veux et c’est moi qui ai pris les devants. Je suis père de famille et j’ai réfléchi avant de prendre ma décision.
En son temps, d’aucuns disaient que Bamogo avait posé des conditions que la Fédération ne pouvait pas remplir et c’est la raison pour laquelle, il n’était pas prêt à venir jouer avec les Etalons. Cela est-il fondé ou ce sont des rumeurs ?
• C’est faux ; ce sont des rumeurs que des gens ont fait courir. Je suis passé pro depuis l’âge de18 ans et ce n’est pas l’Afrique qui va m’enrichir. Je joue en Europe depuis longtemps et si je viens, c’est pour des raisons de valeur, de racine et de cœur. Les premières personnes à être fières aujourd’hui, ce sont mes parents. Ils doivent être contents de moi du fait que j’ai opté pour l’équipe nationale du Burkina. Je suis Burkinabè comme tout le monde et je suis patriote.
Il semble aussi que c’est parce que tu n’avais plus de chance d’avoir une place avec l’équipe A de la France, après les espoirs, que tu as changé d’avis en optant pour la sélection nationale du Burkina.
• Ce n’est pas exact ce que disent les gens. Je pouvais aussi ne pas venir jouer avec la sélection nationale et continuer tranquillement ma carrière en Ligue 1. Je vous le dis, ce n’est pas l’argent qui m’amène ici mais mes racines et le coeur. A 21 ans, j’avais un autre discours mais à 26 ans, un homme change. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus responsable et je sais ce que je veux.
Le bruit courait aussi un moment que tu voulais porter les couleurs des Eléphants de Côte d’Ivoire.
• Effectivement, j’avais été contacté par la Fédération ivoirienne de football (FIF), quand j’avais 22 ans. Mais connaissant mes origines, je savais où j’allais jouer.
Habib Bamogo voit-il forcément sa place au sein du groupe ?
• Comme l’a dit l’entraîneur, chaque joueur doit se battre pour gagner sa place. Je crois qu’il faut être performant avec son club avant d’arriver en sélection. Ensuite, il faut montrer un autre visage au cours des entraînements pour prétendre à une place. Je suis conscient de cela et je sais que ce n’est pas parce que je suis là que ma place est garantie. Si je suis là, c’est pour gagner ma place et je vais d’ailleurs me battre pour cela.
Tu viens d’arriver et on imagine que tu connais un peu le groupe. Comment trouves-tu l’ambiance ?
• J’ai trouvé une très bonne ambiance et ce qui est important dans un groupe, c’est la solidarité. Tout le monde joue pour tout le monde et c’est vraiment une bonne chose. J’ai été bien accueilli et je trouve le groupe sain.
Est-ce que dans ta tête, tu vois un duo Dagano-Bamogo à la pointe de l’attaque burkinabè ?
• Ça, c’est l’entraîneur qui décide. Il est le seul à savoir ce qu’il veut faire. En ce qui me concerne, je serai aux entraînements pour me donner à fond et essayer de mériter ma place. Vous savez, les joueurs sont là pour accepter les choix de l’entraîneur. Je ne demanderai rien.
Avez-vous déjà échangé avec l’entraîneur et comment trouvez-vous son discours ?
• Le coach de Bordeaux, Laurent Blanc, disait que le plus important pour un entraîneur, c’est la préparation psychologique. Si un joueur est bien dans sa tête, ses pieds suivent. Duarte le sait certainement et l’esprit de groupe qu’il cultive est très important. C’est un entraîneur qui a la volonté et c’est quelqu’un de bien.
Où est né Bamogo ?
• Je suis né à Paris dans le 14e arrondissement. Je suis né de parents burkinabè et ma mère est née en Côte d’Ivoire.
Avant d’opter pour la sélection nationale du Burkina, as-tu informé tes parents ?
• Je n’avais même pas besoin de les informer parce que je savais que mon choix les rendrait heureux.
Bamogo est issu d’une famille de combien d’enfants ?
• J’ai trois frères et une sœur.
Tu es l’aîné ?
• Je suis l’avant dernier de la famille.
Tu es de quel village ?
• Je suis de Pissila.
Connais-tu bien Pissila ?
• Tous les ans, je suis à Ouagadougou et je vais souvent au village pour passer quelques jours. Il m’arrive de m’arrêter à Kaya pour voir des gens. Après, je vais à Koalma, un village encore plus profond que Pissila.
Depuis que tu es là, as-tu été reçu par une autorité ?
• J’ai rencontré le président de la Fédération burkinabè de football, Théodore Zambendé Sawadogo. Nous avons longuement échangé et je lui ai confirmé mes convictions. Si je suis là, c’est pour les Etalons et ça me tient vraiment à coeur. Le talent sans la volonté ne vaut rien.
As-tu été reçu par le président du Faso ? • Ce sont les gens qui m’informent (rires) et c’est le monde à l’envers. A dire vrai, je n’ai jamais rencontré le président du Faso. Je suis un joueur comme les autres. Mon souhait est de me fondre dans le groupe pour essayer d’apporter le maximum que je peux et j’espère que ça ira.
Bamogo est-il marié ?
• Je ne suis pas marié mais j’ai une fille qui aura bientôt trois ans.
Il y a un fan club qui a été créé en ton nom. Quel effet cela te fait-il ?
• Quand on voit un rassemblement de personnes pour soutenir quelqu’un, ça vous fait forcément chaud au cœur. Pour moi, ça me donne raison dans ce que je fais. Le peuple africain est toujours reconnaissant, quand tu lui donnes beaucoup, il ne t’oublie jamais et c’est important pour moi.
Tu es sociétaire de Nice et on parle beaucoup de transferts en France. As-tu des propositions avec d’autres clubs français ?
• A Nice, il y a eu beaucoup de changement surtout avec le départ de l’entraîneur pour Rennes. Un nouveau coach a été recruté et c’est sûr qu’il comptera une fois de plus sur le groupe. Moi, je n’ai pas de raison de changer de club et je me sens bien à Nice.