Son sourire est toujours aussi brillant. Transféré il y a à peine plus d'un an au FC Kouban Krasnodar pour 1,5M€ (4 ans et demi de contrat, 1 ,5M€ de salaire annuel), Charles Kaboré (26 ans) est en goguette dans la région marseillaise depuis dimanche. Retenu avec la sélection des Étalons - aux côtés de Bakari Koné, Jonathan Pitroipa et Alain Traoré -, le Franco- Burkinabé affronte les Comores en amical, cet après-midi à Martigues, au stade Francis-Turcan (17h).
Hier matin, l'ancien Olympien (2007-2013) a pris le temps de recevoir La Provence, à quelques encablures de l'aéroport de Marignane, au sein de l'hôtel où résident les joueurs du Burkina Faso. L'occasion pour le natif de Bobo-Dioulasso d'évoquer sa nouvelle vie à Krasnodar, le poumon économique du sud de la Russie et, bien entendu, son passage à l'OM après avoir été découvert dans l'anonymat de Libourne.
Sans oublier de parler de la sélection dont il est le capitaine et qui a vécu "une année 2013 géniale" avec "un parcours exceptionnel", ponctué par une finale de CAN perdue. "Avec le soutien du public burkinabé, on peut prétendre à plus dans le futur", assure le "Guide", son surnom chez les Étalons.
Vous êtes de retour dans le sud de la France. Êtes-vous content ?
Charles Kaboré : Oui, bien sûr ! D'habitude, on joue en région parisienne. Mais c'est ma deuxième fois près de Marseille. La première, c'était fin 2006, pour ma première sélection avec les Étalons. C'était déjà dans cet hôtel, sauf qu'on avait joué à Aix, contre l'Algérie (victoire 2-1). L'hôtel, je le connais comme ma poche. C'est là aussi que j'ai dormi pour la première nuit en France, avant d'arriver à Libourne.
Comment se passe votre vie à Krasnodar ?
C.K. : Ça se passe bien, je suis avec les Russes ! C'était un peu difficile les premières semaines, notamment pour la langue, mais c'est la vie. Il fallait que je m'adapte à eux, ce n'était pas à eux de s'adapter à moi. J'ai un traducteur génial et les gens sont sympathiques. Au début, ils me regardaient sans savoir qui j'étais ; puis on a créé des liens. Je ne connaissais personne dans l'équipe. Mais je suis agréablement surpris par ce club, que je ne connaissais pas. Si on m'avait dit un jour que je jouerais en Russie, je ne l'aurais pas cru ! Mais on ne sait jamais où on peut atterrir dans la vie. Et encore moins en football.
Avez-vous été victime de racisme ? En 2008, à Saint-Pétersbourg contre le Zénith, Ronald Zubar, André Ayew et vous-même aviez été les cibles de jets de bananes et de cris de singe...
C.K. : C'était difficile, ce match au Zénith. Quand j'y suis retourné avec le Kouban, j'avais une appréhension. À l'échauffement, j'étais à côté de ceux qui m'avaient sifflé, alors qu'avec l'OM, on était loin de cette zone. Mais là, il ne s'est rien passé ! Rien du tout, pas d'insultes, ni de sifflets. En fait, quand vous jouez dans un club russe, vous êtes considéré comme quelqu'un de chez eux. Vous savez, il y a des gens en Russie qui n'ont jamais vu de personnes de couleur...
Sans transition, comment vous sentez-vous au FC Kouban ?
C.K. : On s'y habitue. Avoir un mois et demi de vacances pour un joueur, c'est énorme. Plus deux semaines en juin... (rires) On a fini huitièmes la saison dernière ; là, le championnat commence le 8 mars. On va couper de juin à juillet pour le Mondial, et on reprendra après.
Un mot sur votre président, Alexandre Tkatchev, qui est un personnage controversé en Russie.
C.K. : Je ne maîtrise pas le sujet... (sourire) Mon domaine, c'est le football !
Comment pourriez-vous donner envie aux Marseillais de venir vous voir ?
C.K. : (Il coupe) Oh, je pense que les Marseillais ne vont pas bouger de Marseille ! Il y a 1,7 million d'habitants. Il y a deux clubs, le FC Kouban Krasnodar, qui est un des plus anciens clubs russes, et le FK Krasnodar. Le derby est très chaud ! Il faut le voir. Le stade est ancien, ouvert et peut accueillir 35 000 personnes. Et la pelouse est magnifique. La Russie joue son match amical là-bas ce soir.
Dans quel état d'esprit êtes-vous par rapport à votre avenir ?
C.K. : Je me sens bien, le club est familial, les gens sont formidables...
Vous avez aussi un joli contrat...
C.K. : C'est pas mal, mais on peut mieux faire encore ! (rires) On cherche toujours mieux. Ça va vite, le football. Kouban est un tremplin, même si ça doit me prend deux, trois ou quatre ans. Il y a plus grand en Russie. Je suis ambitieux. Si une meilleure offre se présente, je la prendrai ; sinon, je resterai. Je m'y sens bien, cela ne pose pas de problème. Je ne veux pas quitter la Russie : j'ai trouvé un équilibre dans ma vie, je joue, je suis important...
Et vous parlez russe ?
C.K. : Ya tchout' tchout' * ! (énormes rires)
Avec le recul, comment jugez-vous votre départ de l'OM ?
C.K. : C'était le bon moment. Je ne le pensais pas à l'époque. Arriver à la CAN et apprendre qu'on est sur la liste des transferts, c'est dur à vivre. J'ai souvent été sur cette liste et, à un moment, tu comprends qu'on ne te désire pas. J'aimais Marseille et je prenais du plaisir avec mes coéquipiers et les salariés du club.
Vous auriez préféré être mis au courant avant ?
C.K. : J'aurais simplement aimé qu'on me dise, avant que je parte pour la CAN : "Charles, tu ne rentres plus dans les plans du coach, on va trouver une issue". Et c'était la moindre des choses. Avoir le parcours que j'ai eu et jouer plus de 200 matches avec l'OM, il fallait le faire. Je gagnais bien ma vie à Marseille. Je n'aurais jamais pensé toucher ne serait-ce que 10 000€ dans ma vie. Pour moi, le simple fait d'arriver à Libourne était déjà incroyable ! Imaginez la suite... Côtoyer des Cissé, des Nasri, des Niang, c'était exceptionnel.
Êtes-vous resté en contact avec des joueurs du club ?
C.K. : Oui, il y a Souley (Diawara), Mandanda, Mathieu (Valbuena), "Dédé" et Jordan Ayew. J'ai aussi José Anigo de temps en temps au téléphone. Il m'a beaucoup apporté et il m'a repéré. Il est dans mon coeur. Bon, c'est le coach actuel, donc il ne va pas me recruter ! (rires) Mais l'OM, c'est ma famille. Peu importe où j'irai, je reviendrai toujours à Marseille. Je n'ai rien contre le club, je ne dirai jamais de mal de l'équipe, même si je suis énervé. Grâce à l'OM, j'ai gagné des titres et mon CV est un peu rempli ! Et puis, on me reconnaît aussi dans la rue depuis mon passage au club. L'OM m'a donné bien plus que je ne lui ai donné.
Notamment avec les six trophées glanés, sous l'ère Didier Deschamps ?
C.K. : Oh oui ! Deschamps, il ne prône pas le jeu de Barcelone, mais il inspire la victoire et la gagne. Il a amené Lucho, Heinze, Mbia... Même Cyril Rool - ne l'oubliez pas car il a été important - et Fernando Morientes. Pour gagner un titre, il faut des joueurs expérimentés, des mecs qui tirent les jeunes vers le haut. Je me souviens de Heinze qui n'arrêtait pas de me crier dessus. "Tu es jeune, si je ne crie pas tu ne seras pas concentré", me disait-il.
La saison de l'OM est compliquée. Qu'en pensez-vous ?
C.K. : Non, l'OM reste l'OM. Ils sont à la cinquième place, les gens n'ont pas à se plaindre. Je vois que les supporters sont énervés...
Zéro pointé en Ligue des champions, éliminations en coupes, éviction de l'entraîneur : ce n'est pas non plus de tout repos...
C.K. : Je défendrai toujours l'OM. Les supporters, ce sont les supporters. Personne ne veut voir son équipe perdre. Seule la victoire compte, mais cinquième, c'est déjà pas mal...
Vous oubliez l'exigence marseillaise que vous avez vous-même connue...
C.K. : L'OM doit jouer les premiers rôles, c'est clair. Mais c'est une nouvelle saison, il y a une transition entre anciens et jeunes. C'est en train de monter. Pour moi, le club fait une très belle saison même s'il y a eu des hauts et des bas. L'OM peut terminer dans les trois premiers, il n'y a que ça qui compte.
Vous avez pu voir l'avancée des travaux du stade. Alors ?
C.K. : C'est beau ! Je suis venu contre Valenciennes, mais je me suis perdu en arrivant ! L'ancienne entrée était fermée, il fallait faire le tour par Ganay. Quand je suis arrivé, le match avait commencé depuis dix minutes. L'OM a battu VA, tout le monde était content. Je suis descendu dans le vestiaire, on a fait le cri de la victoire ensemble.
Vous imaginez-vous revenir un jour à l'OM ?
C.K. : Non. On dit qu'il ne faut jamais dire jamais, mais je ne pense pas. Il faut laisser la place, on a fait notre temps... Faire rêver les supporters pour rien, ça ne sert pas à grand-chose.
* "Oui, je parle un petit peu russe"
La provence
Hier matin, l'ancien Olympien (2007-2013) a pris le temps de recevoir La Provence, à quelques encablures de l'aéroport de Marignane, au sein de l'hôtel où résident les joueurs du Burkina Faso. L'occasion pour le natif de Bobo-Dioulasso d'évoquer sa nouvelle vie à Krasnodar, le poumon économique du sud de la Russie et, bien entendu, son passage à l'OM après avoir été découvert dans l'anonymat de Libourne.
Sans oublier de parler de la sélection dont il est le capitaine et qui a vécu "une année 2013 géniale" avec "un parcours exceptionnel", ponctué par une finale de CAN perdue. "Avec le soutien du public burkinabé, on peut prétendre à plus dans le futur", assure le "Guide", son surnom chez les Étalons.
Vous êtes de retour dans le sud de la France. Êtes-vous content ?
Charles Kaboré : Oui, bien sûr ! D'habitude, on joue en région parisienne. Mais c'est ma deuxième fois près de Marseille. La première, c'était fin 2006, pour ma première sélection avec les Étalons. C'était déjà dans cet hôtel, sauf qu'on avait joué à Aix, contre l'Algérie (victoire 2-1). L'hôtel, je le connais comme ma poche. C'est là aussi que j'ai dormi pour la première nuit en France, avant d'arriver à Libourne.
Comment se passe votre vie à Krasnodar ?
C.K. : Ça se passe bien, je suis avec les Russes ! C'était un peu difficile les premières semaines, notamment pour la langue, mais c'est la vie. Il fallait que je m'adapte à eux, ce n'était pas à eux de s'adapter à moi. J'ai un traducteur génial et les gens sont sympathiques. Au début, ils me regardaient sans savoir qui j'étais ; puis on a créé des liens. Je ne connaissais personne dans l'équipe. Mais je suis agréablement surpris par ce club, que je ne connaissais pas. Si on m'avait dit un jour que je jouerais en Russie, je ne l'aurais pas cru ! Mais on ne sait jamais où on peut atterrir dans la vie. Et encore moins en football.
Avez-vous été victime de racisme ? En 2008, à Saint-Pétersbourg contre le Zénith, Ronald Zubar, André Ayew et vous-même aviez été les cibles de jets de bananes et de cris de singe...
C.K. : C'était difficile, ce match au Zénith. Quand j'y suis retourné avec le Kouban, j'avais une appréhension. À l'échauffement, j'étais à côté de ceux qui m'avaient sifflé, alors qu'avec l'OM, on était loin de cette zone. Mais là, il ne s'est rien passé ! Rien du tout, pas d'insultes, ni de sifflets. En fait, quand vous jouez dans un club russe, vous êtes considéré comme quelqu'un de chez eux. Vous savez, il y a des gens en Russie qui n'ont jamais vu de personnes de couleur...
Sans transition, comment vous sentez-vous au FC Kouban ?
C.K. : On s'y habitue. Avoir un mois et demi de vacances pour un joueur, c'est énorme. Plus deux semaines en juin... (rires) On a fini huitièmes la saison dernière ; là, le championnat commence le 8 mars. On va couper de juin à juillet pour le Mondial, et on reprendra après.
Un mot sur votre président, Alexandre Tkatchev, qui est un personnage controversé en Russie.
C.K. : Je ne maîtrise pas le sujet... (sourire) Mon domaine, c'est le football !
Comment pourriez-vous donner envie aux Marseillais de venir vous voir ?
C.K. : (Il coupe) Oh, je pense que les Marseillais ne vont pas bouger de Marseille ! Il y a 1,7 million d'habitants. Il y a deux clubs, le FC Kouban Krasnodar, qui est un des plus anciens clubs russes, et le FK Krasnodar. Le derby est très chaud ! Il faut le voir. Le stade est ancien, ouvert et peut accueillir 35 000 personnes. Et la pelouse est magnifique. La Russie joue son match amical là-bas ce soir.
Dans quel état d'esprit êtes-vous par rapport à votre avenir ?
C.K. : Je me sens bien, le club est familial, les gens sont formidables...
Vous avez aussi un joli contrat...
C.K. : C'est pas mal, mais on peut mieux faire encore ! (rires) On cherche toujours mieux. Ça va vite, le football. Kouban est un tremplin, même si ça doit me prend deux, trois ou quatre ans. Il y a plus grand en Russie. Je suis ambitieux. Si une meilleure offre se présente, je la prendrai ; sinon, je resterai. Je m'y sens bien, cela ne pose pas de problème. Je ne veux pas quitter la Russie : j'ai trouvé un équilibre dans ma vie, je joue, je suis important...
Et vous parlez russe ?
C.K. : Ya tchout' tchout' * ! (énormes rires)
Avec le recul, comment jugez-vous votre départ de l'OM ?
C.K. : C'était le bon moment. Je ne le pensais pas à l'époque. Arriver à la CAN et apprendre qu'on est sur la liste des transferts, c'est dur à vivre. J'ai souvent été sur cette liste et, à un moment, tu comprends qu'on ne te désire pas. J'aimais Marseille et je prenais du plaisir avec mes coéquipiers et les salariés du club.
Vous auriez préféré être mis au courant avant ?
C.K. : J'aurais simplement aimé qu'on me dise, avant que je parte pour la CAN : "Charles, tu ne rentres plus dans les plans du coach, on va trouver une issue". Et c'était la moindre des choses. Avoir le parcours que j'ai eu et jouer plus de 200 matches avec l'OM, il fallait le faire. Je gagnais bien ma vie à Marseille. Je n'aurais jamais pensé toucher ne serait-ce que 10 000€ dans ma vie. Pour moi, le simple fait d'arriver à Libourne était déjà incroyable ! Imaginez la suite... Côtoyer des Cissé, des Nasri, des Niang, c'était exceptionnel.
Êtes-vous resté en contact avec des joueurs du club ?
C.K. : Oui, il y a Souley (Diawara), Mandanda, Mathieu (Valbuena), "Dédé" et Jordan Ayew. J'ai aussi José Anigo de temps en temps au téléphone. Il m'a beaucoup apporté et il m'a repéré. Il est dans mon coeur. Bon, c'est le coach actuel, donc il ne va pas me recruter ! (rires) Mais l'OM, c'est ma famille. Peu importe où j'irai, je reviendrai toujours à Marseille. Je n'ai rien contre le club, je ne dirai jamais de mal de l'équipe, même si je suis énervé. Grâce à l'OM, j'ai gagné des titres et mon CV est un peu rempli ! Et puis, on me reconnaît aussi dans la rue depuis mon passage au club. L'OM m'a donné bien plus que je ne lui ai donné.
Notamment avec les six trophées glanés, sous l'ère Didier Deschamps ?
C.K. : Oh oui ! Deschamps, il ne prône pas le jeu de Barcelone, mais il inspire la victoire et la gagne. Il a amené Lucho, Heinze, Mbia... Même Cyril Rool - ne l'oubliez pas car il a été important - et Fernando Morientes. Pour gagner un titre, il faut des joueurs expérimentés, des mecs qui tirent les jeunes vers le haut. Je me souviens de Heinze qui n'arrêtait pas de me crier dessus. "Tu es jeune, si je ne crie pas tu ne seras pas concentré", me disait-il.
La saison de l'OM est compliquée. Qu'en pensez-vous ?
C.K. : Non, l'OM reste l'OM. Ils sont à la cinquième place, les gens n'ont pas à se plaindre. Je vois que les supporters sont énervés...
Zéro pointé en Ligue des champions, éliminations en coupes, éviction de l'entraîneur : ce n'est pas non plus de tout repos...
C.K. : Je défendrai toujours l'OM. Les supporters, ce sont les supporters. Personne ne veut voir son équipe perdre. Seule la victoire compte, mais cinquième, c'est déjà pas mal...
Vous oubliez l'exigence marseillaise que vous avez vous-même connue...
C.K. : L'OM doit jouer les premiers rôles, c'est clair. Mais c'est une nouvelle saison, il y a une transition entre anciens et jeunes. C'est en train de monter. Pour moi, le club fait une très belle saison même s'il y a eu des hauts et des bas. L'OM peut terminer dans les trois premiers, il n'y a que ça qui compte.
Vous avez pu voir l'avancée des travaux du stade. Alors ?
C.K. : C'est beau ! Je suis venu contre Valenciennes, mais je me suis perdu en arrivant ! L'ancienne entrée était fermée, il fallait faire le tour par Ganay. Quand je suis arrivé, le match avait commencé depuis dix minutes. L'OM a battu VA, tout le monde était content. Je suis descendu dans le vestiaire, on a fait le cri de la victoire ensemble.
Vous imaginez-vous revenir un jour à l'OM ?
C.K. : Non. On dit qu'il ne faut jamais dire jamais, mais je ne pense pas. Il faut laisser la place, on a fait notre temps... Faire rêver les supporters pour rien, ça ne sert pas à grand-chose.
* "Oui, je parle un petit peu russe"
La provence