«Ce que je n’apprécie pas…»
Il a fallu près d’une dizaine de coups de fil et de messages pour sortir le goaleador burkinabè de sa réserve, après la polémique qui avait suivi son retour manqué en sélection. Au lendemain de la qualification des Etalons à la CAN 2015, il a accepté de nous répondre au téléphone.
Comment se porte Dagano et comment va ta nouvelle saison ?
Je me porte bien, mais ce n’est pas le cas de la saison que je viens d’entamer. Pour être honnête, je dois dire que cela ne se passe pas comme je veux. Mais c’est cela le football, il y a des périodes où rien ne va. Nous ne désespérons pas de remonter la pente.
Pourtant la saison passée, tu as cartonné au niveau de ton club…
Oui, c’est vrai que l’année passée, j’ai réalisé une bonne saison avec plusieurs : belles réalisations : la finale de la Coupe du Qatar, 4e au classement final du championnat. Cette année, j’évolue dans un club qui vient de monter en première division. L’équipe compte sur mon expérience et me renouvelle sans cesse sa confiance. Il nous reste encore beaucoup de matches à jouer, et je travaille sans cesse en vue de tout donner à ce club qui me fait confiance, et qui compte sur moi pour réussir sa saison de promu.
On imagine aisément que tu as suivi le parcours des Etalons dans les phases éliminatoires…
C’est magnifique, ce que les Etalons ont réalisé. Je voudrais du fond du cœur les féliciter pour leur qualification qui fait honneur au peuple burkinabè. Nous sommes vice-champions d’Afrique, et il était important que nous puissions sortir du piège des éliminatoires. Je dis piège parce que désormais, toutes les sélections nous attendent de pied ferme. Vous voyez que leNigeria, finaliste heureux de la dernière CAN, n’a pas échappé à ce piège. Vous voyez également que certaines grandes nations se sont qualifiées difficilement. Cela démontre tout le mérite des Etalons.
Comment tu as vécu le dernier match qui s’est soldé par un match nul ?
Match difficile, mais il faut dire qu’après le 3-0 encaissé chez eux, les Angolais venaient avec la ferme intention de prendre une revanche. Alors que nous, nous étions qualifiés et n’avions pas forcément toute la motivation nécessaire. En plus, il faut dire que des absences, telles que celles de Alain Traoré, Charles Kaboré, ont quelque peu fragilisé l’équipe. Mais si la qualification à la CAN 2015 passait par une victoire devant l’Angola, je suis certain que les Etalons auraient gagné ce match. L’essentiel était la qualification, cela est fait, il faut féliciter le groupe, l’encadrement technique et les dirigeants.
Le sélectionneur Paul Put vous avait convoqué au début de cette compétition. Pourquoi vous n’avez pas répondu à son appel ?
Quand vous dites que je n’ai pas répondu, c’est comme si j’avais manqué d’intérêt pour la sélection nationale. Non, à chaque fois que je suis appelé en équipe nationale, je l’ai toujours considéré comme un honneur et une mission qui consiste à défendre le drapeau national. Et pour moi, défendre le maillot de la nation est un devoir très important auquel je ne me dérogerais jamais. Maintenant, il se trouveque pour ce cas-ci, j’avais contracté une blessure avec mon club. J’ai eu le coach et le président de la Fédération au téléphone, et je leur ai expliqué la situation. Il y avait la possibilité que je vienne me faire soigner en école nationale, mais mon club a préféré que je reste sur place pour recevoir les soins. Cela, je l’ai expliqué au coach qui l’a bien compris. J’ai fais parvenir à la Fédération tous les justificatifs. A ma connaissance, il n’y a aucun malentendu là-dessus.
Peut-être, mais depuis tu es rétabli, pourquoi les portes de la sélection te restent fermées, au moment où le manque de buteur est criant?
Elles ne me sont peut-être pas fermées pour toujours. (Ndlr : rire). Si on ne m’appelle pas, c’est peut-être dû à mon début de saison pas très bon. Mais comme on le dit, les matches se suivent mais ne se ressemblent pas. J’ai bon espoir que ça va décoller au niveau du club. Maintenant, c’est vrai que l’équipe nationale aurait été pour moi une autre source de motivation.
Certaines personnes pensent que tu as prétexté une blessure, parce que tu as eu peur…
Ceux qui pensent ainsi ne me connaissent certainement pas. Avec le parcours que j’ai, ce n’est pas un match contre le Lesotho qui me fera peur. Que ce soit en club ou en équipe nationale, j’ai disputé des matches de loin plus difficiles que celui-là. Le football reste avant tout un jeu. Il y a des jours où ça marche et des jours sans, mais en aucun cas, un joueur avec le vécu que j’ai ne peut avoir peur d’un match. Physiquement, je peux ne pas être apte comme ce fut le cas lorsque Paul Put m’a appelé. Autrement, mentalement et moralement, je suis bien outillé pour disputer n’importe quel match de football. A tous ceux qui pensent que j’ai eu peur, j’espère seulement avoir l’occasion de leur démontrer de quoi je suis toujours capable.
Tu pense toujours mériter ta place à la pointe de l’attaque des Etalons ?
(Rire). Tous les joueurs pensent pouvoir apporter un plus à leur équipe nationale. Mais le mérite, c’est le coach qui le détermine, c’est lui qui a le dernier mot, et j’ai toujours respecté le choix des coachs. Mais, mon point de vue est que dans une compétition où les matches s’enchaînent assez vite, c’est toujours un avantage d’avoir plus de possibilités. Et modestement, je pense que je fais partie des possibilités dont peut disposer le sélectionneur Paul Put.
Comment sont tes rapports avec le sélectionneur et le président de la FBF ?
Ce sont de bons rapports, chaque fois que j’ai eu l’occasion de parler au téléphone à l’un ou à l’autre, c’est sur un ton de bons rapports. Vous savez la principale motivation du président et du sélectionneur, c’est la performance du football burkinabè. Parfois, les incompréhensions naissent quant les gens ont d’autres motivations ou prennent en compte d’autres considérations. Ces messieurs-là on toujours fait preuve de responsabilité, c’est d’ailleurs pour cela que les résultats sont là.
Cette sélection des Etalons te manque ?
Je mentirais si je dis non. Elle me manque, non seulement sportivement, mais humainement aussi. C’est un groupe avec lequel j’ai apporté ma part de contribution dans l’écriture des belles pages de notre football. Et comme je l’ai dit, il n’y a rien de plus grand et de plus noble que de défendre les couleurs de son pays. Ce devoir me manque !
Certains pensent que tu devrais prendre ta retraite…
C’est leur appréciation à eux, moi ce que je n’apprécie pas, c’est qu’on me mette la pression par rapport à ma retraite. Tant que mon corps ne s’opposera pas à ce que je continue de jouer, je le ferais. Or jusque-là, je me sens physiquement et mentalement apte à défendre mon pays, à me faire plaisir et à faire plaisir aux amoureux du sport-roi. Croyez-moi, le jour que je ne me serai plus en mesure de courir après un ballon, ou que je ne sentirai aucun plaisir à jouer, j’arrêterai.
En clair, tu es prêt pour la CAN 2015, si le sélectionneur te fait appel…
Si Paul Put me donne ma chance en me renouvelant sa confiance, je suis prêt à donner le meilleur de moi-même. Je suis un professionnel et tous ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un tricheur. Si je ne pouvais pas apporter un plus aux Etalons, je n’aurais eu aucune motivation à espérer que le sélectionneur m’appelle. Mais en ce moment-là, je me sens capable de défendre efficacement les couleurs du Burkina.
Un message particulier ?
Je voudrais encore féliciter les Etalons pour leur qualification, et dire au coach Paul Put que je reste disponible pour les Etalons. Je voudrais également dire aux gens de ne pas se focaliser sur certains matches des Etalons et ne pas croire en nos chances à la CAN 2015. L’essentiel était la qualification, cela étant acquis, la suite est une autre réalité et les Etalons ont toutes les chances de réaliser une bonne CAN. C’est vrai que la performance que nous avons réalisée en 2013 nous a considérablement exposés, parce que toutes les équipes nous attendent, et seront même prêtes à toutes les pratiques possibles pour nous barrer le chemin. Mais en même temps, nous faisons peur aux autres, et cela est un atout considérable.
Enfin, je voudrais présenter mes condoléances aux familles qui ont été endeuillées lors de l’insurrection que le Burkina a connue. Prompt rétablissement aux blessés. Je souhaite que le Burkina retrouve le plus vite possible, la fraternité et la tolérance qui l’ont toujours caractérisé.
Hamed Junior (source: aujourd'hui au faso)