Jean Pierre Palm : « Paulo Duarte va mieux se consacrer aux Etalons »
mardi 29 décembre 2009

A moins de deux semaines de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui se
déroule en Angola, Jean-Pierre Palm affiche une sérénité sans faille.
« Quand on monte une équipe nationale pour aller à la CAN, c’est parce
qu’on pense pouvoir aller très loin dans la compétition », a confié le
ministre des Sports et Loisirs à l’équipe de Fasozine, venue
l’interviewer ce mardi 22 décembre 2009. Au cours du même entretien, le
chef du département des Sports est revenu sur le limogeage de Paulo
Duarte du Mans, ses rapports avec les associations de supporters et
l’opération mains propres qu’il se prépare à lancer dans le but
d’assainir la gestion des différentes fédérations.

Comment s’organise le ministère des Sports, pour accompagner les Etalons à la Can 2010 ?

Jean-Pierre Palm : Ce n’est pas seulement le ministère qui
s’organise, mais tout le pays. C’est l’équipe nationale du Burkina qui
va en Angola, et nous avons dressé la liste de tout ce qui était
nécessaire pour une bonne participation des Etalons à la CAN, liste que
nous avons présentée au gouvernement. Nous nous sentons compris et
accompagnés par les premiers responsables, notamment le chef de l’Etat,
le Premier ministre et tous les membres du gouvernement. Nous avons une
structure commune avec le ministère des Finances qui travaille sur le
long terme. Toutes les projections avait été faites depuis les
éliminatoires jusqu’à la CAN et même le Mondial, pour lequel nous
n’avons malheureusement pu nous qualifier. Nous avons également demandé
aux entraîneurs, par l’intermédiaire de la Fédération burkinabè de
football, de nous faire un programme, une projection dans le temps, ce
qui a été fait. Tout cela pour vous dire que sur le plan de
l’organisation financière, tout est réglé. Maintenant pour ce qui est
de l’aspect technique de la préparation des Etalons, c’est du ressort
de l’entraîneur et de la Fédération de football.

Quelles seront les primes qui seront servies aux Etalons et à leurs encadreurs ?

Les primes des Etalons sont connues. C’est 2,5 millions francs CFA
par match gagné. Les seniors qui ont eu à disputer tous les matchs ont
empoché 5,5 millions de francs. Et graduellement, nous examinons le cas
de ceux qui sont venus une ou deux fois en sélection. Mais je pense que
certains s’en tirent avec 2,5 millions au minimum. Ce que gagne
l’encadrement est indiqué dans le contrat qu’il signe avec la FBF et je
ne pense pas avoir le droit de le divulguer.

Le sort a voulu que les Etalons soient logés dans le même groupe
que la Côte d’Ivoire, le Togo et la Ghana. Est-ce que malgré tout vous
êtes confiant sur les performances de notre équipe nationale ?


Je crois que quand on monte une équipe nationale pour aller à la
CAN, c’est parce qu’on pense pouvoir aller très loin dans la
compétition et, pourquoi pas, la remporter. Si l’on croit que l’on
n’ira pas loin, autant rester à la maison. Nous avons une équipe jeune
et ambitieuse, en pleine formation. Rencontrer à nouveau la Côte
d’Ivoire, c’est une bonne chose. Le Ghana est une équipe que nous
connaissons également. Maintenant, c’est aux joueurs de tirer les
leçons des erreurs du passé. Il est absurde de vouloir être le meilleur
sans rencontrer les meilleurs. Il est vrai que nos trois adversaires
ont de très bonnes équipes, mais comme je le dis souvent, la vérité
d’un match n’est pas la vérité de tous les matchs. C’est déjà important
pour nous, de participer à la CAN que nous avons ratée par deux fois.
C’est surtout bien pour une équipe aussi jeune. Ne parlons pas
d’espoirs ou de désespoir. Chaque équipe part avec ses chances.

Hormis la CAN 98 où le Burkina s’est classé 4e chez lui,
les Etalons n’ont jamais pu aller au-delà du premier tour d’une phase
finale de CAN. Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ?


Je serai sorcier si j’arrivais à vous répondre. Mais je dis qu’il
faut mettre une organisation assez scientifique en place. Tant que vous
n’avez pas une vision à long terme, vous aurez toujours des résultats
en dents de scie. Ce que nous recherchons, ce n’est pas d’aller à la
CAN, faire trois matchs et revenir. Nous cherchons à mettre les garçons
dans les meilleures conditions, en leur souhaitant d’aller loin. De
notre côté, nous avons tout mis en place pour qu’ils soient dans de
bonnes conditions pour pouvoir participer honorablement à la CAN.

Pensez-vous qu’après son limogeage par Le Mans, club
français de D1, Paulo Duarte, l’entraîneur des Etalons, sera dans de
bonnes dispositions psychologiques pour encadrer l’équipe nationale ?


Avec lui (Duarte, NDLR), nous avons longuement discuté autour de
cette histoire du Mans dès le début. A l’époque, nous ne pouvions pas
nous permettre de changer d’entraîneur en pleines phases éliminatoires.
Ceux qui ne comprenaient pas disaient qu’il fallait changer
d’entraîneur. Mais changer d’entraîneur, c’est changer de jeu, c’est
changer d’approche vis-à-vis des joueurs, et dans ce cas il n’était pas
évident que nous allions aller à la CAN.

A l’époque nous en avions discuté franchement et je lui ai dit qu’il
commettait une erreur. D’abord parce qu’il ne pourrait plus bien suivre
les deux équipes, ensuite parce qu’à vouloir suivre deux lièvres à la
fois, il peut perdre les deux.

Mais je pense que quelques temps seulement après avoir pris Le Mans,
il voulait démissionner du club. Le Mans est une équipe formatrice qui
vend beaucoup ses joueurs. Pour la défense de Paulo Duarte, il faut
dire que tous les meilleurs joueurs ont été vendus avant son arrivée.
C’est vrai qu’il a été joueur et a entrainé une équipe de DII, mais en
France il était tout nouveau et découvrait le championnat de ce pays,
une approche vraiment différente du football portugais. Donc je pense
que l’un dans l’autre, c’est ce qui a fait que ça n’a pas très bien
fonctionné. Il me disait par exemple que son libéro était âgé seulement
de 17 ans, donc vraiment inexpérimenté. Quelle que soit la valeur que
l’on a, si on n’a pas un certain nombre de matchs dans les jambes, ce
sera difficile.

Nous nous sommes parlé au téléphone et il a dit qu’il va entièrement
se consacrer au Burkina. Il a d’ailleurs été approché par d’autres
équipes d’autres pays après son départ du Mans. C’est pour vous dire
que sa valeur n’est pas mise en cause. C’est peut-être l’approche qu’il
a eue qui a été un peu enfantine, il faut le dire, de croire qu’il
pouvait prendre deux équipes en même temps. Il ne pouvait plus avoir le
temps de connaître ses joueurs à fond, de suivre les équipes adverses,
faire des analyses.

J’ai aussi eu le président du Mans au téléphone, et je pense qu’ils
sont restés en bons termes. J’espère maintenant qu’il va se remettre de
cet épisode rapidement et pouvoir préparer convenablement les Etalons
pour la CAN.

Quel regard jetez-vous sur le changement à la tête de l’Union nationale des supporters des Etalons (UNSE) ?

Je viens de les rencontrer tout à l’heure (l’interview à été
réalisée le mardi 22 décembre 2009, après une rencontre entre le
ministre et le nouveau bureau de l’UNSE, NDLR), et je leur disais que
la preuve est là que ce n’est pas le ministère des Sports qui dirige
l’UNSE, contrairement à ce que pensent les gens. Il est vrai que c’est
une structure dont l’idée de création est venue du ministère des
Sports, mais nous ne la dirigeons pas. Autrement dit, je ne pense pas
que Georges Marshall allait partir parce que tout le monde le prenait
pour l’homme du ministère. Cette élection vient prouver que nous ne
fourrons pas notre nez dans ce qu’ils font. Il faut une union autour de
l’équipe nationale. Vous avez 11 garçons qui courent sur le terrain. Si
vous leur demandez d’être collectifs et qu’en dehors du terrain vous
n’êtes pas capables d’applaudir en rythme, il faut dire qu’il y a un
problème. C’est ce qui nous a motivé à appeler à l’unité des
supporters. Qu’ils jouent réellement cette partition qui est la leur, à
savoir supporter les Etalons. Je tiens à le dire, nous avons été
approchés par pratiquement tous les pays voisins du Burkina à propos
des textes de l’UNSE. Le ministre malien des Sports m’a justement dit
que cette division au sein des supporters maliens a été à l’origine de
leur élimination à la Can au Ghana. Les comportements déviants, des
comportements qui vont jusqu’à toucher l’équipe, jouent sur le moral
des joueurs.

C’est pour cette raison nous encourageons l’UNSE à travailler à
rallier le maximum de Burkinabè à sa cause. Il ne faut pas de
vedettariat inutile. Les vedettes, je pense, sont sur le terrain. Comme
je me plais à le dire supporter, c’est un loisir très limité dans le
temps, qui ne peut pas être un travail.

Il semble que dans les coulisses, le nouveau président
de l’UNSE avait un parrain et les gens n’hésitaient pas à voir la main
du ministre des Sports derrière son élection. Qu’en dites-vous ?


Cela m’étonne parce que je ne pense même pas que Jacob Yacouba
Barry, le nouveau président de l’UNSE, connaît là où se trouve mon
bureau. Mieux, je ne connais pas son numéro de portable, je ne l’ai
jamais eu au téléphone. J’ai toujours évité de mettre ma main dans ce
genre d’élections. Quand vous voulez quelque chose de propre, de sain,
de transparent, il faut laisser les gens choisir les dirigeants qu’ils
veulent, surtout si c’est par mode électif. Je n’ai pas de rapports
particuliers avec Jacob Yacouba Barry. Je pense même être beaucoup plus
proche de Georges Marshall que je connais depuis bien longtemps. Et les
élections, je les ai suivies de loin. J’étais à Diébougou quand on m’a
envoyé les résultats par SMS. Quand les gens m’appelaient pour que je
donne des consignes de vote, je leur répondais que je n’ai pas de
consigne à donner à qui que ce soit.

Est-ce que finalement avec ce nouveau bureau, on aura l’unité que vous prônez autour des Etalons ?

Je crois que les gens ont toujours travaillé à rassembler le maximum
de Burkinabè autour de l’UNSE. Seulement quand ce sont des intérêts
individuels qui priment sur ce qu’on veut réellement faire, cela
devient autre chose. Vous ne pouvez pas obliger les gens à aller dans
un sens ou dans l’autre, mais je pense que la bonne logique voudrait
que les uns et les autres comprennent que quand vous demandez du
collectif à ceux qui sont sur le terrain, il faut que vous le soyez
vous-mêmes. Si vous n’êtes pas collectif, ce n’est pas la peine de
demander aux autres de l’être si vous-mêmes vous êtes en train de vous
donner des coups de poings dehors. Ce n’est pas de la boxe, cette
union-là, c’est pour supporter tous nos enfants qui sont sur les
terrains, pour donner une image d’unité, de cohésion des Burkinabè
autour de leurs équipes qui les représentent ailleurs. Je pense que
cela est une action noble, c’est sain, on ne peut que les encourager et
demander aussi aux supporters d’être des supporters réels, pas des
supporters supportés parce que vous ne pouvez pas demander à quelqu’un
de payer vos loisirs pour vous.

Vous prônez l’union au sein des supporters, alors que
certains d’entre eux refusent de rentrer dans les rangs. Cela
suscite-t-il une colère en vous, ou alors, vous êtes vous résigné avec
le temps ?


Non, il n’y a pas de résignation ou de colère dans ce domaine-là. Je
pense que j’ai pratiquement approché tout le monde pour dire ce que je
pense. Je n’aime pas marcher dans la pagaille et je pense également
être le premier responsable en matière de sport. On m’a confié quand
même des tâches. Je suis en train d’exécuter le programme de quelqu’un
et je ne peux pas marcher en dehors de ce programme. A partir de ce
moment, nous avons jeté les bases de ce que nous voulons faire. Ceux
qui veulent suivre suivront.

Je ne vais pas m’occuper des problèmes d’individus. Je ne suis pas
fâché, je ne suis pas résigné, au contraire, ceux qui me connaissent
bien savent que je suis quelqu’un qui suit des convictions. Tant que ma
conviction sera d’amener les gens à l’unité pour pouvoir être d’un
apport certain pour nos joueurs, je le ferai. D’ailleurs je l’ai fait
avec l’AJSB (Association des journalistes sportifs du Burkina, NDLR)
parce que dès que je suis arrivé, c’était l’une de mes « premières
bagarres ». Je leur ai dit, vous êtes des journalistes sportifs, si
vous voulez nous accompagner, il faut bien qu’il y ait un seul bureau.
Il n’y a pas des journalistes qui écrivent de la droite vers la gauche
et d’autres de la gauche vers la droite ou qui voient les matchs à
l’envers ou à l’endroit.

Ce qui doit nous unir est beaucoup plus important que ce qui doit
diviser. A chacun de faire un effort. Imaginez même qu’on sorte du
pays, et qu’il y ait des supporters qui portent une couleur, d’autres
une autre couleur, finalement quelle image donnez-vous de vous aux
autres ? Je refuse, tant que je serai ministre, que la politique
s’immisce dans le sport. C’est vrai que le sport fait partie du
programme politique du chef de l’Etat, mais la pratique du sport sur le
terrain, c’est en dehors de toute action politique. Et je me battrai
pour éviter cela. Si sur le terrain un joueur de l’UNDD ne veut pas
faire la passe à un joueur de l’ADF, ou qu’un joueur de l’ADF ne veut
pas faire la passe à un joueur du CDP, alors là, il y a problème. Donc
il faut travailler à ce que la politique soit vraiment en dehors du
terrain de jeu. Je maintiendrai ce cap, et je dirais non à quiconque
viendra avec ce genre d’idée pour essayer d’utiliser le sport comme
tremplin sur le plan politique.

En parlant de bagarre, où en êtes-vous avec celle qui vous opposait à Mahamadi Kouanda ?

Il n’y a pas de bagarre entre Mahamadi Kouanda et moi. J’ai reçu une
éducation qui m’interdit de faire certaines choses. Je suis
Colonel-major de gendarmerie. En dehors de ce bureau, il n’y a pas
beaucoup de Burkinabè qui peuvent me provoquer. Je n’ai pas de bagarre
avec un individu, j’ai un programme politique que j’applique. Seulement
si une personne ne veut pas suivre ce programme, elle ne vient pas au
sport. En tant que premier responsable du sport, quand je dis qu’on ira
dans tel sens, les seuls qui peuvent me dire non, c’est le Chef de
l’Etat et le Premier ministre. En dehors d’eux, je pense que personne
d’autre ne peut me faire dévier de ma route. Je ne suis pas en bagarre
avec quelqu’un, contrairement à ce que j’ai pu entendre, ou pu lire
quelques fois.

Monsieur le ministre, en dehors de la Can, quels sont
les grands défis qui se profilent à l’horizon, notamment pour 2010,
concernant votre ministère ?


On quitte une Can pour entrer dans une autre. Il faut se préparer et
éviter l’à peu près. Au niveau du football, nous allons ainsi demander
aux entraîneurs des cadets et des juniors d’avoir un regroupement à la
fin de chaque mois avec ceux qui sont sélectionnés. Avec l’équipe
nationale locale de football, nous allons préparer le Championnat
d’Afrique des Nations. Nous allons demander à la fédération de monter
rapidement une équipe qui va avoir le même programme que les cadets et
les juniors pour qu’il y ait plus de cohésion dans le jeu. Au niveau
des autres disciplines, il y a nos ceintures à défendre pour la boxe
par exemple, nous allons tout faire pour les conserver.

Il y a également le championnat d’Afrique des clubs de handball que
nous allons certainement accueillir ici au Burkina. Nous allons
travailler avec la Fédération nationale de handball pour voir dans
quelle mesure nous allons essayer d’appuyer les équipes.

Au niveau de l’Union des sports scolaires et universitaires
(Ussu-BF), nous avons quand même pu réaliser pas mal de choses. Des
échos nous sont parvenus d’Abuja au Nigéria, où les responsables des
sports se sont réunis tout récemment, disant qu’ils devraient
s’inspirer de l’expérience du Burkina en matière des sports scolaires,
parce que c’est la base réelle du sport.

Pour les autres fédérations, il y a d’abord un programme que nous
sommes en train d’établir, qui est de faire en sorte qu’un cabinet
puisse nous aider à faire le point, en fin de saison, des subventions
reçues par chaque fédération. Il y aura donc des audits. Cela va
certainement dissuader ceux qui viennent au sport par intérêt. Si on
prend une personne la main dans le sac et qu’on l’enferme, je crois que
les gens vont partir d’eux-mêmes. Il y a un cabinet qui a déjà été
désigné pour cela. Il y a l’inspection d’Etat qui va également tomber
sur toutes les fédérations pour voir comment elles fonctionnent. C’est
pour amener les gens à s’organiser. Sans organisation, il n’y a pas de
résultat possible. C’est de la navigation à vue qui ne peut pas
conduire loin. C’est ce que je dis souvent aux dirigeants sportifs.

Ce sont nos enfants qui sont sur le terrain, donc nous avons le
devoir de leur donner une bonne image, pas une image d’escrocs, de gens
pas sérieux. Nous devons avoir un comportement digne et responsable,
c’est ce qu’on peut faire pour aider les sportifs à donner le meilleur
d’eux-mêmes. Je demande la transparence aux uns et aux autres. Certains
pensent que c’est par mégalomanie, mais ce n’est pas le cas. Le sport a
également besoin d’appui extérieur, qu’il faut bien gérer. Au niveau de
l’Ussu-BF nous avons reçu des appuis énormes lors des différents jeux
et cela nous a permis de commencer à construire une arène de lutte à
l’INJEPS. Nous avons écrit à tous ceux qui ont fait ces dons pour les
mettre au courant de ce que nous sommes en train de faire avec leur
argent, et les autoriser à approcher l’entrepreneur pour contrôler.
L’un dans l’autre, c’est le problème d’organisation qui se poursuit car
c’est le grand mal qu’on a en Afrique sur le plan sportif, en
particulier au Burkina Faso.

Fasozine