11/04/2017
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D’habitude introverti et avare en parole, l’ex Etalons Saïdou Mady Panandetiguiri s’est ouvert au journal de tous les burkinabè. Dans l’interview qu’il nous a accordé, il parle de la prestation actuelle des Etalons, de sa mise à l’écart du groupe et bien d’autres sujets qui gravitent autour du sport roi national. Lecture.
Que devient Saïdou Mady Panandétiguiri ?
Mady Panandetiguiri joue aujourd’hui dans une équipe amateur en Belgique et parallèlement je passe mes diplômes d’entraineur.
Vous avez beaucoup bourlingué, avez-vous encore l’amour du football ?
Bien-sûr. J’ai toujours le foot dans le sang. Si on pique ce virus, c’est pour la vie.
Suivez-vous régulièrement les prestations des Etalons ?
Oui je suis très régulièrement les performances de mes anciens partenaires, parce qu’avant tout, c’est la nation. Je suis donc concerné comme tout burkinabé.
Quel jugement faites-vous de leur performance au Gabon ?
Le jugement que je fais est que l’équipe est arrivée à la place que nous souhaitons qu’elle y soit c’est-à-dire dans le dernier carré. Nous avons manqué de chance.
Dans l’ensemble nous avons fait un très bon parcours. Nous aurions pu aller jusqu’au bout. D’ailleurs c’est ce que j’avais prédit sur BF1 lors du premier match.
Ce groupe était-il supérieur à celui de 2013 ?
Je ne dirais pas cela parce que l’équipe de 2013 était très forte mentalement et physiquement et nous étions encore plus solidaires.
Qu’est-ce qui leur a manqué pour aller jusqu’au bout cette fois ?
Rien, seulement la chance.
Les Etalons ont-ils cette fois des chances d’aller en coupe du monde ?
Bien sûr. Je dirai à 70% si nos dirigeants ne font plus les mêmes erreurs que lors des éliminatoires en 2013 car pour passer ce palier il faut vraiment être professionnel et motiver les joueurs comme il faut car nous parlons de coupe du monde. Je trouve que dans la gestion de cette qualification nos dirigeants ne se rendent pas compte que pour être parmi les meilleurs au monde il faut beaucoup de motivation et de communication avec les acteurs. Ce que nous n’avons pas eu en 2013.
Vous avez disparu des radars tout d’un coup dans le groupe Etalons alors que vous aviez écrit la plus belle page de l’histoire du football burkinabè. Pourquoi ?
Je suis content d’avoir pu faire partie de ceux qui ont écrit la plus belle page de l’histoire du foot burkinabé vous savez il y’a certaines choses que le public doit savoir. Il y en a beaucoup qui ont disparu du groupe des Etalons pas parce qu’ils le voulaient mais par obligation pour ne pas être humilié par nos "hommes en costard” qui ont droit de citer qui doit jouer et qui doit être dans la sélection.
Êtes-vous parti satisfait de la sélection avec votre "complice” Dagano ?
Nous sommes partis parce que des "hommes en costard” ont trouvé que nous avions fait 13 et 14 ans en sélection et nous avions participé à plus de 5 CAN. Je trouve cela dommage pour le football. Je vais vous raconter une anecdote invraisemblable, tout juste après la finale en 2013, les "hommes en costard” pensaient déjà à la relève comme des vrais professionnels sauf que là, c’était de l’amateurisme. Dans l’avion qui nous ramenaient à Ouagadougou, ils ont envoyé un ancien joueur, en plus professionnel qui était très proche d’eux et dont je tairais volontairement le nom de venir nous dire que c’était le clap de fin pour nous. Un ancien pro qui ose venir me dire que les dirigeants ont dit qu’il y aura 4 anciens qui vont quitter la sélection parce qu’ils estiment que nous sommes vieux, pourtant les anciens, c’est Dagano, Panandetiguiri, Soulama et Diakité. Je lui rétorque simplement que lui en tant qu’ancien pro qu’est-ce qu’il leur a dit ? Le mec était incapable de me répondre. Il me dit que je ne fais pas partie des anciens. Je lui demande alors s’il se foutait de moi. Tu viens me parler de 4 anciens qui seront bannis et tu me dis que je ne fais pas partie ? Je lui ai dit pardon, je suis très fatigué, j’ai besoin de dormir et il est reparti s’assoir. Donc voilà ce qui se passe à l’intérieur de cette coquille bien dorée. Nous devrions avoir un très grand respect pour Dagano car ce monsieur est toujours le meilleur buteur de l’histoire du football burkinabé en sélection. Partir de cette façon, pour moi, c’est une offense. Je sais que le football est ingrat mais nous burkinabé, nous devrions être intègres.
Nous ne demandons pas la reconnaissance, nous demandons juste qu’on respecte ce que nous avons accompli. Nous avons souffert avec cette sélection avant qu’elle ne devienne ce qu’elle est aujourd’hui. Si en 2013 et 2017 nous sommes parvenu à nous hisser dans le dernier carré de la compétition c’est parce qu’il y a eu un travail de fond qui a été bien fait. Dans l’ensemble nous avions fait parti de ceux qui ont bati l’ossature. Qu’on nous donne les places que nous méritons dans le foot burkinabé pour montrer cela en exemple aux jeunes qui nous suivent.
Vous reprouvez donc la façon de remercier les joueurs qui ont rendu service à la nation ?
Chaque personne à sa manière de voir les choses. La mienne en est tout autre. On ne doit pas empêcher un joueur sélectionner d’apporter un plus à la sélection qu’il est vieux ou qu’il est sous prétexte resté pendant longtemps en sélection.
Le plus important c’est son rendement sur le terrain. Nous sommes des seniors et nous jouons dans une compétition de seniors donc je ne vois pas pourquoi on parlerait de vieux.
Des cadres comme vous, Momo Dagano, Djakis Koné, Mohamed Koffi, Abdoulaye Soulama êtes partis sur la pointe des pieds pourtant.
Mais, ce n’est pas du tout la meilleure manière de procéder car ça donne à réfléchir aux jeunes qui vont certainement se dire qu’ils vont aussi finir comme un tel et un tel et ils ne prendront jamais de risques pour répondre à la sélection.
Aviez-vous alors peur pour ceux qui vous suivent comme les Pitroipa, Diakité, Bakary Koné et Charles Kaboré ?
Bien sûr. Il y a 2 ans à la CAN, des questions ont été posées à Paul Put de savoir pourquoi Charles Kaboré joue tous les matchs. C’est un signe qui ne trompe pas.
Est-ce votre situation qui pousse Charles Kaboré a annoncé sa retraite prématurée pour ne pas subir la même sentence que vous ?
Affirmatif. Si je suis président et que le capitaine de mon équipe fanion à 28 ans et en pleine forme, titulaire dans son club et mieux, il reste un pion essentiel dans le dispositif de son entraîneur. Si ce joueur vient me dire qu’il arrête après la CAN, je lui dirai que c’est impossible. Je lui ferai savoir qu’il est important dans le groupe et qu’il doit continuer car nous avons des ambitions pour la coupe du monde et nous voulons gagner la coupe d’Afrique dans 2 ans. Il est facile de dire après la CAN que nous allons tout faire pour convaincre le joueur de rester et pourtant on a rien fait avant la CAN pour qu’il soit dans des meilleures conditions pour préparer sa compétition. Simplement parce que le joueur a montré toute sa palette aux yeux de l’Afrique donc tout le monde clame qu’il doit rester. Je trouve cela triste pour le foot.
Quel rapport entretenez-vous aujourd’hui avec votre complice Dagano ?
Mes rapports avec Dagano sont plus qu’amicaux. Nous sommes devenus des frères. On se parle tous les jours que Dieu fait.
Parlez-vous toujours des Etalons ?
Bien sûr. Du foot burkinabé en général, nous sommes toujours en contact avec les cadres de la sélection, nous les soutenons le mieux que nous pouvons. Ils sont à l’écoute. D’ailleurs, ils veulent que nous soyons dans l’organigramme de la sélection comme les Camerounais et Sénégalais l’ont fait avec les anciens cadres de l’équipe. Mais comme vous le savez, cela ne dépend pas de nous.
Quel regard avez-vous du football burkinabè aujourd’hui ?
Nous sommes toujours à la traine par rapport aux autres nations du foot dans le continent. Nous avons encore beaucoup de marche à gravir.
La Fédération accorde-t-elle assez de place aux clubs selon vous ?
Pour moi, non. Au Burkina, seule les Etalons A comptent pour la fédé, on ne se pose jamais la question de savoir pourquoi nos clubs n’arrivent pas à franchir le premier tour de la Champions League, pourquoi on ne rentre pas dans les phases de poule. Pourtant c’est très important pour le niveau de notre championnat et au niveau du classement africain et mondial.
Comment en tant que sportif burkinabè, avez-vous vécu l’élimination des représentants burkinabè en coupe d’Afrique inter-clubs ?
Je suis vraiment triste. Surtout pour le président Amado Traoré et le RCK. Un président qui se donne tous les moyens pour que son club puisse intégrer le cercle fermé des grandes équipes africaines. Je rejoins le coach Kamou Malo pour dire que nous ne sommes pas encore une nation de football car nous savons tous que le football de haut niveau se joue sur et en dehors du terrain nous n’avons pas encore compris cela. Il est temps de l’intégrer dans nos esprits.
Aujourd’hui, avec le recul, comment faire pour que le foot burkinabè soit plus performant ?
Nous devons commencer par la formation des jeunes par le canal des clubs et donner des moyens autres que ce qu’on donne comme subvention. Pour faire fonctionner un club il faut au moins 60 millions de francs CFA par an, avec nos maigres moyens nous pouvons faire de la formation notre priorité et c’est sur cela que nous devons nous appuyer pour avancer. Le football est en pleine évolution et dans son futur le sport-roi burkinabé va naturellement et sûrement passer dans les mains des footballeurs qui ont appris par leurs expériences à l’étranger et leur vécu dans le monde du professionnalisme. Présentement, ceux qui sont là sont des passionnés et ils aiment le football et font leur maximum pour que le foot burkinabé puisse avancer.
Mais dans le futur ils vont passer naturellement la main car ce sera une continuité inéluctable avec la nouvelle génération qui est déjà là.
La CAF a changé de présidence, votre avis ?
C’est un signal fort pour le football en Afrique. Nous avons besoin de sang neuf pour moderniser le football et son fonctionnement.
Avec le respect que j’ai pour le président sortant qui a tant donné au continent, il était temps qu’il cède la main.
Entretien réalisé par
Béranger ILBOUDO